• [Critique] Inherent Vice

    [Critique] Inherent Vice

    Robert Altman Award ISA 2015 pour Joaquin Phoenix

    Prenez un auteur américain culte - Thomas Pynchon - et ajoutez-y un réalisateur américain à la filmographie de rêve - Paul Thomas Anderson -, tout ça autour d'une comédie paranoïaque sous cannabis intitulé Inherent Vice. PTA passe encore d'un registre à un autre comme il l'avait fait entre des films comme Punch-Drunk Love et There will be blood. Il abandonne le drame cryptique et fascinant à la The Master pour revenir à un film insaisissable basé sur un roman-monstre de l'auteur américain Thomas Pynchon, déjà lui-même réputé pour écrire des pavés aussi ambitieux que scotchant dont L'Arc en ciel de le gravité constitue le pinacle. Connu pour son exigence mais également pour sa réalisation impeccable, Paul Thomas Anderson recrute à nouveau un casting impressionnant, à commencer par Joaquin Phoenix avec lequel il collaborait déjà pour The Master. Inherent Vice s'annonce donc sous les meilleurs augures mais attention, rien n'est sûr avec Pynchon et PTA...

    Années 60. Sous le soleil Californien, Doc Sportello, un détective privé dont les intuitions professionnelles riment avec marijuana, reçoit la visite de son ex-petite-amie, Shasta Fey, qui fricote désormais avec un milliardaire. Seulement voilà, elle craint que la femme de celui-ci ne cherche à le faire interner pour détourner sa fortune. Le lendemain Shasta a disparu et Doc doit s'occuper d'une nouvelle affaire qui sent le complot à plein-nez. Son enquête va le mener dans les sphères les plus étranges, entre groupes pro-communistes et flics infiltrés - ou pas. Harcelé par le lieutenant Bigfoot, il aura fort à faire pour démêler le vrai du faux, une question d'autant plus épineuse que son amour des drogues en tous genres ne va guère l'aider à soigner sa paranoïa naturelle.

    Franchement, arriver à raconter de quoi parle Inherent Vice relève de la gageure. On sait depuis son dernier film, The Master, que Paul Thomas Anderson adore brouiller les pistes et dissoudre son histoire dans un nuage d'hypothèses et de paranoïa. Avec un scénario inspiré par un des auteurs américains les plus singuliers qui soit, Inherent Vice ne pouvait que finir comme un Objet Filmique Non Identifié. On y suit un privé constamment drogué qui ne voit la société qui l'entoure que par un prisme de conspirations et de complots en tous genres. Paul Thomas Anderson s'amuse comme un fou à développer un récit flou où tout se confond, où les groupes anti-américains sont infiltrés par les flics, à moins que ce ne soit l'inverse, où un cabinet dentaire sert de façade à un groupe illégal, où un milliardaire se fait kidnapper que les flics abusent de sa fortune...à moins que ce ne soit des gangsters. Bref, dans Inherent Vice, rien n'est sûr. Totalement psychédélique et brumeux, le scénario du film reste pourtant son point le plus accrocheur.

    Si l'on ne comprend pas la moitié des événements qui se déroulent (ou du moins leur enchaînement), cela malgré une voix-off indispensable (sous peine de se noyer), ce que l'on en saisit reste fascinant. C'est la magie Paul Thomas Anderson. Avec une réalisation aux petits oignons qui plonge le spectateur dans une ambiance sixties-hippie parfaitement crédible, l'américain arrive à donner un cachet unique à son film. On retrouve ici le talent déjà présent dans There Will be Blood pour dépeindre une société voir même un univers entier où gravite un certain nombre de personnages haut-en-couleurs. En directeur d'acteurs expérimenté, PTA dirige son petit monde avec une maestria qui n'en finit pas d'impressionner. A commencer par le fameux Joaquin Phoenix, qui change totalement de registre par rapport à son rôle de The Master, mais qui n'en finit pas d'affirmer qu'il est un des meilleurs acteurs vivants à l'heure actuelle. Entre ses coiffures improbable et ses trips hallucinogènes, Inherent Vice gagne un point d'ancrage aussi défoncé qu'humain que le spectateur suit avec délice. Les autres ne sont pas en reste, avec un Josh Brolin qu'on avait pas connu aussi inspiré depuis No Country for old men, ou encore un Owen Wilson à contre-emploi. Bref, Inherent Vice s'avère aussi un grand numéro d'acteurs.

    Le ton du film, une comédie à la PTA dans la droite lignée d'un Punch Drunk-Love, aura de quoi surprendre les plus novices de l'oeuvre de l'américain. Oubliez les rires gras des comédies US lambda, nous sommes ici dans un autre niveau. Cet humour discret mais délectable explose dans la scène de réunion au cabinet dentaire puis dans la ballade en voiture, où la drogue, l'humour d'Anderson et le talent des acteurs a de quoi vous faire mourir de rire. Si cette légèreté apparente prête à sourire, PTA retrouve dans le récit de Pynchon des thèmes qu'il adore. Un univers définit autant par son atmosphère que par ses personnages forts - Doc Sportello n'est-il pas une version droguée du self-made man de There will be blood -, des relations de dominés-dominants perturbantes - comme cette scène de fin entre Doc et Shasta - ou encore des événèment entrevus du coin de l'oeil. Si rien n'est vraiment clair dans Inherent Vice, ce n'est nullement un manque de caractérisation de ses auteurs, mais bien un outil malin pour représenter la paranoïa d'une certaine époque et l'état d'esprit des années 60 aux états-unis. En définitive, vous ne saurez jamais si une grande multinationale du crime se cache derrière tout ça ou bien si les flics sont aussi pourris que le pense notre bon Doc Sportello. Le vrai tour de force, c'est qu'il s'agit du moteur du film, que c'est ce charme de l'incertitude qui le définit et en fait un objet tout à fait unique.

    Une nouvelle fois, Paul Thomas Anderson affirme sa supériorité. Sans atteindre la grâce d'un There Will be blood et en étant plus léger qu'un The Master, Inherent Vice impressionne à tous les niveaux. De sa réalisation exemplaire à son ambiance sixties charmeuse, le dernier long-métrage de l'américain profite d'un casting parfait emmené par un Joaquin Phoenix qui n'en finit pas d'être génial.
    Un petit délice parfumé à la marijuana et aux mystères californiens.

    Note : 8,5/10

    Meilleure scène : Le shoot de Doc dans le cabinet dentaire - son infiltration dans l'asile

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