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Juges et entreprises : le rapport qui dérange

Les juges s'opposent à une liberté accrue des entreprises, relève l'Institut Montaigne. Le contrôle du licenciement en est plus contraignant.

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(shutterstock.com)

Par Marie Bellan

Publié le 21 déc. 2012 à 01:00Mis à jour le 21 déc. 2012 à 03:00

Les Français croient peu aux vertus de la concurrence et se méfient des entreprises du secteur privé. Mais cette méfiance est encore plus forte chez les magistrats, notamment du siège, et elle s'accroît depuis le début des années 1990. Le constat est dressé par l'Institut Montaigne, qui publie un rapport, rédigé par les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo (notre interview), intitulé « Les Juges et l'économie : une défiance française ».

Les auteurs s'appuient entre autres sur un sondage réalisé par l'institut Ipsos auprès de 305 magistrats et 940 personnes (salariés du public, du privé et indépendants). « Les magistrats se méfient nettement plus des entreprises que les Français en général. Ils sont significativement plus opposés à une liberté accrue des entreprises et considèrent aussi plus souvent que l'Etat doit intervenir en matière d'emploi », souligne le rapport. Le sondage souligne en outre que, parmi les employés du secteur public, ce sont les magistrats qui affichent la défiance la plus marquée vis-à-vis de l'économie de marché.

Les juges ne connaissent pas l'entreprise

Juges et entreprises : le rapport qui dérange
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Pour les deux économistes, ce positionnement des juges s'explique par leur méconnaissance du fonctionnement de l'entreprise et des règles de l'économie de marché. Il est vrai que la formation à l'Ecole nationale de la magistrature est essentiellement juridique et que les stages en entreprise sont rares. Une autre explication est soulevée : « Leur activité professionnelle amène les juges à constater régulièrement toutes sortes d'abus qui finissent devant les tribunaux, ce qui leur donne sans aucun doute une perception de la fréquence de situations délictuelles plus élevée qu'elle ne l'est dans la réalité », note l'Institut Montaigne.

Quelle que soit l'origine du problème, ce sont ses conséquences sur la jurisprudence qui préoccupent le plus les auteurs. La faible confiance dans le marché de la part des magistrats conduit, selon eux, à un droit du travail plus contraignant en France que dans la plupart des pays voisins, en particulier dans le contrôle des licenciements économiques, via une jurisprudence qui se durcit. En effet, les juges français, à la différence de leurs homologues européens, vont jusqu'à apprécier « la validité d'un licenciement au regard de la compétitivité de l'entreprise », dit le rapport.

Le juge n'est pas un expert économique

Et ce contrôle scrupuleux entraîne par ricochet un accès plus difficile à l'emploi. La méfiance des juges est d'autant plus préjudiciable aux entreprises que leurs décisions ne portent pas seulement sur des points de droit mais aussi sur la situation économique de l'entreprise elle-même (situation financière, évolutions technologiques, positionnement des produits…). Autant d'appréciations qui nécessitent une bonne connaissance des rouages de l'entreprise.

Le rapport tombe à pic car le sujet est particulièrement d'actualité : cette problématique est au cœur de la négociation sur l'emploi. Pour favoriser l'emploi et déverrouiller l'accès au CDI, le patronat souhaite alléger le plus possible le contrôle du juge sur le licenciement économique. Une autre solution, à long terme, consisterait à mieux former les juges à l'économie et au management.

Marie Bellan

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