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Yann Barthès et son Quotidien : les raisons d’un succès

TÉLÉVISION / ENQUÊTE - Depuis la rentrée, le journaliste et animateur dépasse régulièrement son concurrent direct, Cyril Hanouna. Quel est son secret ?

C’est une guerre dont les médias et les téléspectateurs raffolent, celle opposant Cyril Hanouna à Yann Barthès sur la case très convoitée de l’access prime time. Il faut dire que depuis la rentrée, l’un d’entre eux prend de l’avance. Alors qu’au mois de septembre, le premier avec TPMP n’attire plus que 900.000 téléspectateurs en moyenne pour la première partie (4,9%) et 1,1 million pour sa deuxième partie (5,1%), le deuxième convainc 1,3 million (5.6% de PdA) pour Quotidien , selon les chaînes. Mercredi soir, ils étaient encore 1.480.000 téléspectateurs devant TMC contre 1.200.000 devant C8. Alors comment Yann Barthès a réussi à imposer son style?

Appelé en septembre 2016 pour doper les audiences d’access prime time de TMC, Yann Barthès a relevé le défi haut la main. En un an, son émission a gagné plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs. Aujourd’hui, le talk-show est le programme qui rapporte le plus à la chaîne. D’après Philippe Nouchi, directeur de l’expertise média à l’agence Publicis Media, les trente secondes de spot publicitaire avoisinent maintenant les 22.500 euros de recettes bruts. L’écran le plus cher est même vendu à 27.4000 euros brut. À titre de comparaison, l’écran le plus coûteux entre septembre et décembre 2016 atteignait les 15.000 euros brut. «Il s’agit bien entendu d’une conséquence de l’audience en hausse sur un an», souligne l’expert. Aujourd’hui, une émission rapporte environ 960.000 euros de recettes bruts, contre 735.000 l’an passé. En novembre 2016, Cyril Hanouna affirmait que Quotidien coûtait environ 110.000 euros par jour. Notons qu’en un an, le divertissement a été rallongé de quelques minutes. Trois coupures publicitaires interrompent désormais le programme diffusé entre 19h20 et 21 heures (contre deux l’année passée).

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En transférant l’audience de Canal+ sur TMC, Yann Barthès a bouleversé le petit monde de la télévision. D’après la spécialiste des médias, Sonia Devillers, les animateurs à avoir relevé ce défi dans l’histoire de la télévision se comptent sur les doigts d’une main. «Dans les années 1990, Michel Drucker et Patrick Sébastien, passaient de TF1 à France 2 ou l’inverse et emmenaient leur public avec eux. C’était déjà un exploit, mais à l’époque, il n’y avait pas les chaînes de la TNT, les chaînes historiques étaient seules à se partager le gâteau», explique l’animatrice de l’émission média de France Inter, L’Instant M.

Une écriture télévisuelle révolutionnaire

Autre tour de force: Yann Barthès a rajeuni le public de la chaîne. L’âge moyen de ses téléspectateurs est d’environ 41,9 ans, contre 52,5 ans devant la télévision en général. Un exploit surtout dans une époque où les jeunes sont davantage captivés par les dernières vidéos des Youtubeurs que par le petit écran. «Ils ne sont que deux à avoir réussi ce pari: Cyril Hanouna et Yann Barthès», précise la journaliste. L’âge moyen du téléspectateur de Touche pas à mon poste! est de 40,2 ans. Une petite révolution rendue possible grâce à l’incarnation des personnages des émissions. «Si la télévision ne veut pas mourir avec ses téléspectateurs, il faut renouveler les programmes, mais aussi rajeunir les visages qui les incarnent. C’est ce qu’a fait Yann Barthès en ne mettant à l’antenne que des trentenaires». Des adolescents même. Panayotis Pascot était seulement âgé de 17 ans lorsqu’il a rejoint l’équipe de l’émission.

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À quoi Yann Barthès doit-il son succès? À sa bonne couverture de la campagne électorale française? Aux élections américaines pour lesquelles il restera une nuit à l’antenne? Les affaires de Cyril Hanouna avec le CSA? Rien de tout cela, selon Sonia Devillers. Pour cette spécialiste, la raison du succès porte un nom: Laurent Bon, le producteur. «Il fait partie de rares producteurs français à avoir inventé la télé d’aujourd’hui. À en avoir pensé le ton, le rythme, les jeux avec l’image et le sens du décalage. Tout cela est né au Grand Journal et s’est affirmé au Petit Journal». D’ailleurs, l’un de ses anciens associés au Grand Journal imagine déjà la télévision de demain. «Renaud Le Van Kim, avec sa plateforme Brut, fabrique des pastilles vidéo clairement inspirées par l’écriture du Petit Journal et uniquement diffusées sur les réseaux sociaux: plus besoin d’une chaîne de télé! Et vous verrez, dans l’année qui vient, c’est là que va se jouer la bataille avec d’autres plates-formes numériques, comme Konbini ou Black Pills. C’est la télévision de demain. Quotidien est très en phase avec ces nouveaux codes. L’émission continue de les inspirer et de s’en inspirer».

Une émission où rien n’est laissé à l’improvisation. «C’est l’héritage Grand Journal : tout est très écrit et très cadré. Il n’y a de place ni pour l’impro, ni pour le dérapage», souligne encore la journaliste. «Leur grande force, c’est de raconter des histoires. Ils s’inscrivent à la fois dans l’actualité la plus chaude et dans la durée. Bref, ils feuilletonnent l’actualité et, ainsi, fidélisent». Exemple avec Jean-Yves Le Drian longtemps suivi par l’équipe de l’émission, à l’époque où le débat sur le cumul des mandats faisait grincer des dents.

Une programmation «hype et mainstream»

Porté par ses puissantes audiences, Quotidien est aussi devenu le média d’accueil de référence pour les artistes français. Indochine, Sylvie Vartan, Michel Sardou, Jamel Debbouze... Yann Barthès leur a tout consacré un long entretien. Les internationaux aussi. Katy Perry, Harry Styles, Fergie, Lily-Rose Depp... Tout comme les politiques quand il s’agit de s’adresser aux jeunes et renvoyer une image «cool». Quotidien crée maintenant l’événement. Comme au temps du Grand Journal. Éric Lelièvre, attaché de presse indépendant (ELP Musiconsulting), nous confirme que l’émission privilégie les artistes pointus. Manager de MC Solaar, il a fait venir l’artiste dans Quotidien pour le tout premier numéro de la saison. «C’est une émission hype et mainstream (branchée et grand public) donc le rappeur cochait toutes les cases. Mais, tous les artistes dont je m’occupe ne répondent pas à ces critères. Je ne leur proposerais pas d’accueillir Lou, une jeune chanteuse repérée dans The Voice Kids . Elle correspond davantage à C à Vous qui cible la fameuse ménagère de moins de 50 ans ou Touche pas à mon poste!».

Si Quotidien accepte de jouer la promotion interne de TF1 en accueillant par exemple le casting complet de la nouvelle saison de Danse avec les stars , il faut que l’actualité justifie la venue de ses invités. Florent Pagny, pourtant juré historique de The Voice sur la première chaîne, n’était pas prioritaire pour la simple promotion de son nouvel album. Il a fallu qu’il déclenche la polémique avec l’annonce de son exil fiscal pour être reçu par Yann Barthès.

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« Cyril Hanouna fait une très bonne rentrée »

Sonia Devillers, France Inter

La guerre de l’access de la saison 2017-2018 est-elle déjà gagnée? Loin de là. Pour Sonia Devillers. Cyril Hanouna reste puissant. «Économiquement, ses affaires ont desservi C8 mais il a fait une bonne rentrée. Ses audiences restent élevées, même s’il souffre sur les ménagères, ce qui peut devenir un problème à terme. Par ailleurs, il conserve une force de frappe imbattable sur les réseaux sociaux». Selon les données Médiametrie, C8 reste effectivement leader de la TNT avec 3,2% du public conquis sur l’ensemble du mois de septembre, contre 3,1% pour TMC. Et, même si la plupart des attachés de presse de la place de Paris se battent pour faire venir leurs artistes dans Quotidien, TPMP n’est pas en reste. Il y a une dizaine de jours, Cyril Hanouna décrochait la première interview en direct du champion Pierre-Ambroise Bosse depuis son agression. Au grand dam de l’équipe de Yann Barthès.... C à Vous n’est pas à négliger non plus. Mardi soir, le talk-show présenté par Anne-Elisabeth Lemoine a devancé de peu TPMP (avec 1.064.000 téléspectateurs rassemblés et 6% de PDA contre 1.038.000 et 4,1% de PDA)

Se réinventer et ne pas user la machine: voici le prochain défi de Yann Barthès. Ce dernier a d’ailleurs récemment décidé de déprogrammer un prime sur TF1 pour se consacrer à la production de sa quotidienne. «L’émission a déjà été rallongée. C’est absolument énorme à produire chaque jour», confirme Sonia Devillers qui ne redoute pas pour autant une explosion en vol. «Tout est très contrôlé. Ce sont des gens qui protègent énormément l’image, l’exposition et la réputation de tous leurs visages».

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44 commentaires
  • Jean Paul Déniel 1

    le

    et bien je préfère encore que mon fils de 12 ans regarde ses youtubeurs favoris.
    Au moins ils ne font pas de propagande en faisant croire à leurs auditeurs qu'ils sont doués d'intelligence et que grâce à lui ils sont bien informés.

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