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Comment Nicolas Hulot a changé de position sur le nucléaire

L'ex-animateur, qui a parfois défendu le nucléaire comme moyen de lutter contre les gaz à effet de serre, a changé d'avis depuis la catastrophe de Fukushima.

Par Alexandre Piquard

Publié le 28 avril 2011 à 18h04, modifié le 28 avril 2011 à 19h12

Temps de Lecture 5 min.

Nicolas Hulot et Pascal Durand à Strasbourg, le 25 avril 2011.

Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis… C'est en substance le message de Nicolas Hulot, qui a précisé dimanche 26 avril sa position contre le nucléaire, lors d'un rassemblement à Strasbourg. L'ex-animateur n'a pas caché qu'il n'avait pas toujours été partisan d'une sortie du nucléaire. Il a mis en avant son évolution : "Je chemine. Je ne suis pas un dogmatique."

Ces dernières semaines, Nicolas Hulot a pris plusieurs fois la parole sur ce sujet sensible. Auparavant, il n'avait jamais rompu complètement avec l'énergie nucléaire, et comptait parmi ses proches des partisans affirmés, comme Jean-Marc Jancovici. Dans la famille écologiste, certains ne se sont pas privés – c'est un euphémisme – de voir dans cette volte-face une marque d'opportunisme électoral. En réponse, Pascal Durand, l'un des piliers de l'équipe actuelle de Nicolas Hulot, explique ainsi son changement : "Nicolas a été clair. Il a dit que l'accident de Fukushima avait totalement modifié sa vision, lui avait fait apparaître que le nucléaire n'était pas acceptable."

"CONVERSION SUBITE"

Stéphane Lhomme, militant anti-nucléaire également candidat à la primaire écologiste, a raillé cette "conversion subite", l'expliquant "par son besoin de financement par Europe Ecologie de sa campagne, et de bras pour coller ses affiches". Pascal Durand dément cette idée et celle selon laquelle les conseillers de Hulot lui auraient intimé d'afficher une autre position sur le nucléaire, pour se plier aux exigences de la primaire écologiste : "Nicolas Hulot a eu une démarche personnelle. Il ne faut pas être dans la parano ou dans le cynisme. Je pense que Nicolas n'est pas le seul à avoir évolué sur le nucléaire avec Fukushima", ajoute celui qui se dit anti-nucléaire convaincu depuis trente ans.

"Le nucléaire doit faire l'objet, a minima, d'un débat national, d'un référendum. On voit bien que quand il y a une paille dans le système, on est complètement dépassé par les événements", avait dit Nicolas sur France Inter le 13 mars, juste après l'accident de Fukushima. Pendant que de nombreux écologistes occupaient l'espace médiatique. Sa position de l'époque peut sembler timorée mais pour Pascal Durand, Nicolas Hulot n'a pas réellement varié dans son discours : "Je pense que c'était déjà très clair, il n'y avait pas d'ambiguïté." Le 17 mars, l'ex-animateur déclare ainsi sur Europe 1 : "Mon sentiment, mais je dirais même ma conviction, c'est qu'il faut sortir du nucléaire", dit-il, tout en ajoutant qu'on ne peut "en sortir comme ça, par un coup de baguette magique".

Quand un mois plus tard, Nicolas Hulot rentre enfin en campagne, certains lui reprochent, sa rivale Eva Joly en tête, de ne pas mentionner le nucléaire dans son discours inaugural à Sevran. Mais au même moment, l'ex-animateur précise à Terra Eco sa position, tâtonnant encore opposition au nucléaire et prudence : "Fukushima a achevé de me convaincre de l'objectif de sortir du nucléaire", dit-il, tout en précisant : "J'ai toujours été plus modéré que les anti-nucléaires primaires qui avaient des avis beaucoup plus tranchés. Moi, j'ai eu du mal – et j'ai encore du mal, d'ailleurs – à me faire un avis sur comment on va se passer du nucléaire sans amplifier, immédiatement, les gaz à effet de serre et se mettre dans un péril énergétique." Interrogé sur un délai de sortie, Hulot préférait ne pas "répondre brutalement".

"LES ARGUMENTS DES INGÉNIEURS PRO-NUCLÉAIRES"

Auparavant, avant Fukushima, Hulot était moins hostile au nucléaire : "Je faisais partie de ceux qui accordaient une certaine confiance aux arguments des ingénieurs pro-nucléaires", a-t-il reconnu à Strasbourg. En effet, quand on parle de Nicolas Hulot et de nucléaire, apparaît vite le nom de Jean-Marc Jancovici. Cet ingénieur, qui a été son conseiller énergie-climat, est à la fois apôtre du bilan carbone et défenseur du nucléaire.

"'Janco' est, au sens noble du terme, une machine à penser une société décarbonée. Mais le problème est que dès qu'il aborde la question du nucléaire, il devient exempt de toute rationalité. Il devient une forme de propagandiste de la science nucléaire", estime aujourd'hui Pascal Durand, qui reconnaît que Nicolas Hulot a pu être tenté de faire un lien entre nucléaire et réduction des gaz à effet de serre.

Concrètement, dans son "cheminement" sur le nucléaire, Nicolas Hulot s'est d'abord prononcé sur l'EPR, le dernier réacteur mis en avant par Areva. En 2003, dans Le Figaro, il tentait de défendre une position équilibrée, arguant qu'il était "urgent de ne pas se presser". Alors réputé proche de Jacques Chirac, Hulot demandait un débat qui permettrait de ne pas choisir entre "la peste et le choléra", entre les gaz à effet de serre et une énergie nucléaire "mal apprivoisée".

EN FRANCE, "ÇA NE M'EMPÊCHE PAS DE DORMIR"

En 2006, dans Le Monde, il ne souhaitait pas "fermer la porte à une éventuelle quatrième génération de centrales", ajoutant que "l"EPR n'est pas indispensable pour y arriver" et que "la priorité, c'est la diversité énergétique et la baisse drastique de la consommation énergétique".

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Comme l'a rappelé Libération, Hulot a par la suite durci sa position, demandant en 2007 un moratoire sur l'EPR. Interrogé sur le rôle d'EDF, sponsor de la Fondation Nicolas-Hulot, sur les positions de l'ex-animateur quant au nucléaire, Jean-Paul Besset, son ancien porte-parole, affirme que "dans le pacte écologique de 2007, Hulot explique que le nucléaire n’a pas d’avenir. Quand nous avons écrit le pacte, ce n’est pas EDF qui nous a tenu la main !". Pour autant, parmi les dix objectifs du document paraphé par la plupart des candidats à la présidentielle, le nucléaire n'est pas cité directement.

Récemment, début 2010, Hulot avait encore une position assez mesurée, comme le raconte la journaliste Bérengère Bonte, dans la biographie Sain Nicolas (Editions du Moment) : "Ce qu'il faut, c'est un mix énergétique avec plus de renouvelables et moins de nucléaire. Mais honnêtement, dans un pays stable économiquement comme la France, le nucléaire ne m'empêche pas de dormir. Au niveau mondial, c'est plus compliqué. Une prolifération m'empêche de dormir." Revenant sur ces arguments précis, le 25 avril 2011 à Strasbourg, Nicolas Hulot a plaidé le mea culpa : "Eh bien je me suis trompé, parce qu’on m’a trompé", a-t-il raconté au micro d’iTélé.

"LE SEUL POINT QUI ÉTAIT TANGENT"

"Le nucléaire, c'était le seul point des positions de Nicolas Hulot qui était tangent, le seul point sur lequel il pouvait avoir une appréciation différente de celles de écologistes", analyse Pascal Durand, qui précise que cette évolution lui "fait plaisir".

Au-delà des slogans et des mea culpa, comment le candidat propose-t-il de "sortir du nucléaire" et dans quel délai ? "Hulot et nous, comme beaucoup d'autres, n'avons pas la réponse, nous en discutons actuellement. Nous parlons d'un délai d'une génération mais cela dépend énormément des moyens que les politiques mettent pour réduire la consommation énergétique", précise Pascal Durand, selon lequel cette position n'est pas fondamentalement différente de celle d'écologistes comme Cécile Duflot, qui parle de "vingt-cinq ans". "Fermer la centrale de Fessenheim ne suffit pas, c'est l'an 1 de la sortie du nucléaire", ajoute-t-il, tout en prenant le soin d'ajouter : "Je vous assure que Nicolas Hulot y croit."

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