La chute de l’empire Thomas Langmann

Visé par une plainte de sa femme pour menaces et harcèlement, le producteur Thomas Langmann de «The Artist» et «Astérix» tente d’éviter la cessation de paiement.

 Thomas Langmann,
Thomas Langmann, LP/Frédéric DUGIT

    Il a coréalisé « Astérix aux Jeux olympiques », a produit le biopic en deux parties de Jacques Mesrine avec Vincent Cassel et a connu la gloire en produisant « The Artist », qui a décroché six César et cinq Oscar. Mais à 46 ans, Thomas Langmann est un producteur dans la tourmente. Après la plainte de son épouse Céline Bosquet pour menaces réitérées de violences et harcèlement, il a placé ses deux sociétés de production (La Petite Reine SAS et La Petite Reine Production SAS) en procédure de sauvegarde, première alerte préventive pour éviter la cessation de paiement.

    « C'est une mesure provisoire qui permet de traverser une période difficile », a affirmé au « Figaro » Langmann, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions. Tout en soulignant qu'il n'y avait aucun licenciement. Mais les chiffres ne trompent pas : ses dernières productions ont été des échecs, parfois retentissants. Depuis 2014, « Colt 45 » n'a engrangé que 65000 entrées, « The Search » 68000, « Un moment d'égarement » 854000 spectateurs, « A fond » 944000 et « Stars 80 », la suite 325000, alors que chaque film a coûté entre 12 et 20 millions d'euros.

    Une « cour » composée de « béni-oui-oui »

    « Pour se renflouer », dixit un proche, Langmann a commencé en 2016 à vendre la collection de tableaux de maîtres de son père, le cinéaste Claude Berri. Au grand dam de certains musées parisiens, qui espéraient recevoir des toiles en donations.

    Plusieurs de ses ex-collaborateurs expliquent le naufrage de La Petite Reine par ses « dysfonctionnements ». Et notamment par l'omnipotence de son patron, entouré d'une « cour » composée de « béni-oui-oui » voire de « sangsues » auquel Langmann inspire « du respect ou de la crainte ». L'un d'eux se souvient ainsi de sa première rencontre avec le fils de Claude Berri : « Thomas était dans son immense bureau, sous un portrait de Francis Ford Coppola sur le tournage d'« Apocalypse now », raconte un ancien membre de son équipe. Lorsqu'il a demandé combien coûterait le film, j'ai vu un de ses collaborateurs se liquéfier et perdre tous ses moyens. Il avait peur de sa réaction en lui annonçant un montant trop élevé. »

    « Depuis le succès de The Artist, on ne peut plus dire non à Thomas »

    Beaucoup reconnaissent au producteur des « éclairs de génie » - comme celui d'avoir financé « The Artist » alors qu'aucun de ses collègues n'y croyaient. Dans la troupe de « Stars 80 », beaucoup défendent un « gamin génial », « qui adore la musique, filmait avec son smartphone les artistes et chantait avec eux pendant les répétitions ». « Il était généreux et très à l'écoute », s'enthousiasme le musicien Jean-Pierre Mader. « Sur le plateau, il était adorable et a toujours fait en sorte que tout se passe bien », insiste l'acteur Bruno Lochet.

    « Le problème, c'est que depuis le succès de « The Artist », en 2011, on ne peut plus dire « non » à Thomas, assure un ancien collaborateur. A force de s'entendre dire « T'es le meilleur », on finit par le croire. ». L'entourage du réalisateur et producteur le décrit comme un homme « impulsif », « sans aucune modération ». Et qui « laisse le désir l'emporter sur la raison ».

    Fâché avec de nombreux collaborateurs

    Dans l'équipe du film « Colt 45 », on se souvient avec amertume des essais passés pour l'un des rôles par Matthias Schoenaerts et JoeyStarr. « Matthias, qui venait d'être choisi par Jacques Audiard pour « De rouille et d'os », avait été exceptionnel sur les auditions, raconte un témoin. JoeyStarr, lui, avait totalement raté sa prestation. On était tous d'accord… Mais Thomas n'a rien voulu entendre. Il a dit : « on prend Joey et pas l'autre Flamand, avec un nom imprononçable ».

    « Dans son entourage, tout le monde ferme les yeux sur son comportement et ses frasques parce qu'on sait que La Petite Reine paie et paie bien », souligne un réalisateur.

    Au fil des années, Langmann s'est fâché avec de nombreux collaborateurs. Olivier Kaefer, l'un des deux créateurs de la tournée RFM Party 80 – qu'il a reprise et transformée en « Stars 80 » - l'a attaqué pour non-paiement des droits d'auteur et du droit moral sur le film « Stars 80, la suite ». La prochaine audience a lieu en mai.

    « J'ai subi des intimidations, des menaces et une rétention de salaire »

    Ancien collaborateur de Claude Berri, Emmanuel Montamat, directeur de La Petite Reine pendant dix ans, traîne Thomas Langmann aux Prud'hommes. Viré début 2016, il attaque ce dernier pour « licenciement abusif ». « La plupart des cadres sont partis, depuis, de la société », assure d'ailleurs un ex-employé.

    Réalisateur de « Colt 45 », Fabrice Du Welz raconte que la collaboration avec Langmann s'est « très mal passée » : « J'ai subi des intimidations, des menaces et une rétention de salaire de la part de l'équipe de la Petite Reine », explique-t-il même. Et la sortie de « A fond », fin 2016, n'a pas été plus paisible : elle a donné lieu à une bagarre entre Langmann et son coproducteur Marco Cherqui.

    « Ce dernier s'est retrouvé pris dans un guet-apens dans les locaux de la boîte de prod, en sandwich entre Thomas Langmann et son garde du corps Farid Khider », raconte un témoin. La place prise par ce dernier dans la vie de Thomas Langmann inquiète d'ailleurs l'entourage de ce dernier. Qui y voit l'un des symptômes du déraillement de La Petite Reine.

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    Sa société de production, La Petite Reine, a plein de projets en cours