"Aucun programme scolaire ne tient vraiment debout dans notre pays"

Le mathématicien Jean-Pierre Demailly constate que les programmes scolaires sont devenus complètement incohérents. Brighelli l'a rencontré.

Propos recueillis par

Selon Jean-Pierre Demailly, les programmes de science au collège "semblent être là uniquement pour donner le change et masquer la faible rationalité des contenus."(Photo d'illustration). © AFP

Temps de lecture : 6 min

Littéraire de goût, de formation et de pratique, je ne me sens guère de légitimité pour parler des programmes de mathématiques et plus généralement de sciences à l'école.

J'ai donc demandé à Jean-Pierre Demailly, professeur de mathématiques à l'institut Fourier (Grenoble-I), membre de l'Académie des sciences, qui a collectionné (sans le faire exprès, je peux en témoigner) les plus hautes distinctions et qui est incidemment le président du Grip, ce laboratoire des méthodes intelligentes auquel Vincent Peillon, contrairement à ses prédécesseurs, n'accorde plus qu'une aumône, de donner son sentiment sur les programmes, de la maternelle au bac.

Le Grip, outre ses manuels d'apprentissage de lecture-écriture, édite plusieurs manuels d'apprentissage des mathématiques dont tous ceux qui les ont eus en main et les ont testés sur les chères têtes blondes ou brunes - moi-même, en l'occurrence, mais aussi Natacha Polony, qui en fait grand cas pour ses propres enfants - louent les vertus. Parents, grands-parents, éducateurs, instituteurs, je vous laisse juges des décisions qui s'imposent...

Jean-Paul Brighelli : Vous avez à maintes reprises alerté l'opinion et les services ministériels sur l'épidémie d'innumérisme et de dyscalculie qui frappe aujourd'hui les écoliers français.. Quelles en sont les causes ?

Jean-Pierre Demailly, professeur de mathémqtiques à l'Institut Fourier ©  DR
Jean-Pierre Demailly, professeur de mathémqtiques à l'Institut Fourier © DR
Jean-Pierre Demailly : Les réformes successives du système éducatif français depuis la fin des années 1960 ont progressivement vidé les programmes scolaires de leur contenu. Les réformes ont surtout été pensées en termes de gestion des flux ou en termes budgétaires, et - pour autant qu'il y ait eu réellement un pilote dans l'avion - les responsables n'ont en général prêté qu'une attention très faible à la cohérence et à la pertinence de ce qui pouvait être enseigné. La situation est particulièrement catastrophique pour l'enseignement des mathématiques et des sciences physiques : il n'y a pratiquement aucun programme à quelque niveau que ce soit qui tienne encore vraiment debout dans notre pays ; on peut observer des incohérences et des lacunes majeures dans toutes les progressions scolaires, depuis la maternelle jusqu'aux classes préparatoires et à l'université.

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Commentaires (102)

  • didette78

    Entre le Grip (incontournable) et Polony voilà des avis qui vont rassurés les parents ! Est ce que ces super références existaient déjà du temps de nos parents et grands parents qui savaient certainement mieux écrire le Français que n'importe quel gosse de notre époque ! Ils n'avaient pas besoin de calculette et ils faisaient du calcul mental !

  • un chinois à paris

    Si vous avez le livre de cette année (peu importe la matière) de votre enfant, vous pouvez faire des testes avec lui.
    1. Vous ouvrez le livre, et vous lui demandez ce qu'il a déjà fait à l'école. Vous allez avoir des surprises.
    2. Vous prenez un exercice dans le livre, et vous lui demandez de le faire. Et vous allez avoir des surprises.
    Si vous voulez que votre enfant fasse cette année tout le livre de cette année, il ne faudrait pas trop compter sur l'école. Ou bien changez d'écoles.
    Et tout cela sans parler des absences légitimes et légales des enseignant (e) s.

  • emile01

    Dans certaines écoles les enfants ne disposent que d'un livre pour deux et ne l'apporte pas à la maison.
    Est-ce par manque de crédit, ce qui est un scandaleux retour en arrière dans un pays développé ou est ce par idéologie de refus du livre ? Les élèves ne disposent donc que d'un cahier souvent mal tenu, mal écrit et de polycopiés pour travailler chez eux.
    Il existe de très bons livres en français, en mathématiques ou polyvalents, pourquoi chaque élève ne serait-il pas obligé à l'école primaire de disposer d'un livre financé par la municipalité et qu'il pourrait emporter à la maison le soir et le week- end. Les parents, la famille comprendraient mieux les programmes et leur progression et pourraient aider les enfants. Tous n'apprennent pas au même rythme. Ce serait une mesure pour plus d'égalité et d'entraide.

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