Critique : First man

Après les succès de Whiplash et de La La Land, Damien Chazelle part à la conquête de la Lune, encore une fois en compagnie de Ryan Gosling. Adaptation de la biographie de l’astronaute Neil Armstrong par James R. Hansen, ce biopic appliqué fait preuve d’une belle fluidité malgré un manque d’exaltation dans son incroyable voyage.

Objectif deuil

First man couvre moins d’une dizaine d’années de la vie de Neil Armstrong, interprété par Ryan Gosling. Une dizaine d’années où la conquête spatiale a connu des avancées spectaculaires, notamment à cause du duel qui opposait les soviétiques aux américains au cours de la Guerre froide. Une dizaine d’années dans laquelle le scénariste Josh Singer, adaptant Le premier homme : à la découverte de Neil Armstrong de James R. Hansen, a choisi de conserver trois incidents, la réussite qui captiva toute la planète mais aussi, un drame personnel qui sera le moteur du récit, la perte d’une fille, affectée par une tumeur au cerveau. Le nouveau long métrage de Damien Chazelle lie l’intime à l’universel, montre la vie de famille troublée par les dangers inhérents au travail de Neil, sa femme Janet (Claire Foy) dont la vie est en suspens à chaque nouvelle mission, à chaque essai. Et il y a deux garçons, qui ne comprennent pas toujours que leur père risque de ne pas revenir : il faut dire que Neil se montre taiseux, concentré et doté d’un sang-froid à toute épreuve. Pas étonnant alors de voir Ryan Gosling camper ce personnage, lui dont la carrière a trouvé son envol avec le personnage mutique du conducteur de Drive.

Il y a une application à retranscrire la réalité des missions exemplaire dans First man. Tous les cockpits ont été reconstruits à l’échelle, à 10% près, créant d’énormes contraintes pour l’équipe technique, mais permettant alors de créer et partager l’univers claustrophobe de ces précurseurs : lors du décollage de Gemini 8, au plus près des pilotes, le spectateur se retrouve au cœur d’un boulet de canon propulsé dans une fureur effroyable. Au travers des hublots, la visibilité est minimale, tandis que les tremblements et le bruit, eux, sont au maximum du tolérable, comme si tout allait dérailler d’un instant à l’autre. Le travail sur le design sonore est absolument remarquable, associé à de nouvelle belles compositions de Justin Hurwitz, First man joue avec le tumulte et le silence, créant des moments de tension et d’apesanteur. On se retrouve alors accroché au regard imperturbable de Ryan Gosling, qui, bien que très bon dans le registre du héros simple et discret, ne marque pas tout à fait. Tourné en alternance en IMAX 65 mm – sans exploitation du format en salle –, en 35 et 16 mm, First man mise sur une caméra épaule en longue focale pour toutes les scènes terrestres, de l’ordre de la sphère familiale ou de l’entraînement. Si le procédé a pour vocation de chercher une forme de réalisme documentaire, il s’en dégage au contraire une emphase de la fiction, du processus de fabrication cinématographique. Les tremblements, les mouvements de zoom et ces petits « ratés » n’insufflent aucunement de la réalité mais montre qu’il y a derrière un cadreur, une équipe attentive, et face à l’objectif, des comédiens : Claire Foy, Jason Clarke, Corey Stoll, …

Dans l’espace, et lors de la célèbre mission Apollo 11, le film impressionne par les images qu’il déploie sans que Chazelle ne s’approprie totalement cet univers, peut-être en voulant échapper à l’écueil du trop spectaculaire, mais en résulte une connexion avec des œuvres telles que L’étoffe des héros, ou en se dirigeant vers la science-fiction, 2001 : l’odyssée de l’espace, Insterstellar, sans leur dynamique épique, à couper le souffle. En se concentrant sur la sphère familiale bouleversée, le deuil d’un père de famille montré comme froid mais attaché à ses proches et collègues, First man exploite une trajectoire originale qui bride quelque peu l’exaltation de la conquête spatiale. Pourtant, le film parvient à montrer parfaitement le contexte historique sans lourdeur, mais surtout à montrer le tribut humain de la première mission lunaire, les décès, les veuves et enfants privés de leur figure paternelle. Peut-être que le film, bien que réussi, et en de nombreux aspects, revêt un aspect frustrant inhérent à un jeune cinéaste ayant, par deux fois, démontré sa grandeur. On ne saurait pourtant que recommander de découvrir ce film en salle, chronique d’une décennie où l’Homme court après un rêve fou tandis qu’un cauchemar bien terrestre hante son acteur principal.

3.5 étoiles

 

First man – le premier homme sur la Lune

Film américain
Réalisateur : Damien Chazelle
Avec : Ryan Gosling, Claire Foy, Corey Stoll, Jason Clarke, Kyle Chandler, Patrick Fugit, Olivia Hamilton, Ciarán Hinds
Titre original : First man
Scénario de : Josh Singer, d’après un roman de
Durée : 141 min
Genre : Biopic, Drame
Date de sortie en France : 17 octobre 2018
Distributeur : Universal Pictures International France

 

Article rédigé par Dom

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