Critique : Yesterday

Après le nostalgique T2 Trainspotting, Danny Boyle regarde vers l’avenir dans un monde un peu différent : et si la musique des Beatles n’avait jamais existé, sauf pour un musicien britannique qui voit dans cet oubli collectif la possibilité de devenir la rock star qu’il ne pourrait jamais être. Un feel good movie plaisant qui offre plusieurs perspectives alléchantes autour de son concept.

Beatles juice

Dans Jean-Philippe de Laurent Tuel, Fabrice Luchini doit aider Johnny Hallyday à devenir l’icône qu’il n’a jamais été dans le film. Dans Yesterday, le concept d’inexistence musicale est différente puisque notre protagoniste, Jack Malik (Himesh Patel), ne se destinera pas à réunir les Beatles pour qu’ils écrivent leur histoire, leur musique, mais à se demander s’il y a un mal à « voler » les morceaux d’artistes qui n’existent pas, ou plus précisément, dont la seule trace semble résider dans son esprit ? Aidée par son amie de longue date Ellie (Lily James), Jack Malik enchaîne les concerts foireux avec ses compositions sans envergure. Il y a bien entendu une voix, des capacités à jouer de la guitare, mais pas le talent nécessaire pour livrer des chansons entêtantes, des hymnes mythiques et des ballades pour émouvoir les stades. Cet évanouissement fantastique des Beatles, suite à une disparition de toute forme d’électricité durant 12 secondes dans le monde qui conduit Jack à percuter un bus, devient alors une opportunité fabuleuse pour cet artiste qui n’a qu’un seul vrai souci, retrouver les paroles et mélodies des tubes du groupe originaire de Liverpool. Malgré Yesterday et Let it be, il faudra encore un coup de pouce à Jack afin de grimper les échelons, notamment grâce à Ed Sheeran qui l’invitera à le suivre en tournée pour jouer en ouverture de ses concerts – ce qui permet à Sheeran d’exposer un joli second degré sur grand écran.

Ecrit par Richard Curtis (Love actually, 4 mariages et 1 enterrement), Yesterday concentre tout un lot de talents britanniques. Cette rencontre cinématographique qui unit les Beatles à Boyle et Curtis donne lieu à une comédie particulièrement séduisante par sa capacité à ouvrir des pistes autour de son concept sans jamais perdre de sa légèreté, de creuser la caricature du monde de l’industrie musicale sans sacrifier un bel aspect sentimental, en souffrance à cause de l’agenda de la future star planétaire. La question du manque des Beatles ne semble reposer que sur les épaules de Jack, qui fait finalement face à une responsabilité culturelle : il est le seul vecteur possible des morceaux composés par le quatuor britannique. Qu’apportent leurs chansons dans nos vies, à l’échelle de la société comme à l’échelle individuelle ? Mais quel tribut a été payé par ces artistes ? Yesterday se montre intelligent et émouvant sur ces questions, tout en gardant en tête ce souci d’honnêteté de la part de Jack, rongé par l’idée d’être un jour démasqué. Grâce à la bonhomie et au talent de ses comédiens encore peu présents au cinéma – Himesh Patel venant d’ailleurs de la télévision – avec des seconds rôles parfaits, comme le pote et roadie maladroit Rocky (Joel Fry) ou encore la cynique et glaciale manager jouée par Kate McKinnon, le nouveau Danny Boyle souffle un air de fraîcheur avec ses morceaux cultes entièrement réinterprétés. Certains éléments propres au style dynamique de Boyle ne s’adaptent pas tout à fait au récit, mais il obtient avec sa mise en scène le rythme idéal pour déployer cette trajectoire sans duperie quant à son idée motrice.

Cette ode aux Beatles sous forme de comédie un brin romantique rappelle aussi que si certaines chansons possèdent une force toute particulière, c’est également grâce à leurs origines, d’Eleanor Rigby à Strawberry Fields Forever, sans oublier Back in the USSR. Un supplément d’âme que l’on peut déplorer peut-être dans certaines musiques contemporaines, froidement calculées en studio. Encore une fois, aucune aigreur ni noirceur ne réside dans Yesterday. Au final, tout ce dont nous avons besoin est d’amour et de musique : c’est facile, quand on se souvient passionnément des grands et de leur œuvre.

3.5 étoiles

 

Yesterday

Film britannique
Réalisateur : Danny Boyle
Avec : Himesh Patel, Lily James, Ed Sheeran, Kate McKinnon, Joel Fry, Alexander Arnold, Lamorne Morris
Scénario de : Jack Barth, Richard Curtis
Durée : 116 min
Genre : Comédie, Musical, Fantastique
Date de sortie en France : 3 juillet 2019
Distributeur : Universal Pictures International France

 

Article rédigé par Dom

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3 commentaires

  1. Merci pour cette belle critique, Dom. Ça me tente bien, du coup (j’avais été un peu refroidi par les derniers Boyle)

  2. @Francisco : pour ma part c’est surtout « Trance » qui m’avait profondément déçu. J’ai apprécié « Trainspotting 2 » bien que j’aurais préféré une suite plus ancré dans la véritable continuité des écrits de Welsh.

  3. Oui, Trance… no comment (pourtant gros fan de Rosario Dawson)
    J’ai trouvé T2 vraiment laborieux autant sur le fond que sur la forme
    Par contre j’avais oublié « Steve Jobs », brillant portrait d’un génie au sommet de son art mais dont la vie personnelle n’est plus qu’un champ de ruines. interprétation magnétique de Fassbender, of course.

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