SANS UN BRUIT (2018) de John Krasinski [Critique]

Évaluation du dossier : 4/5 []

Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit.
Si elles vous entendent, il est déjà trop tard.

Précédé d'une réputation élogieuse, Sans un bruit débarque enfin en France et confirme sans trop de difficulté son statut de film d'épouvante majeur de l'année 2018.


Jusqu'ici plutôt cantonné à la comédie, John Krasinski, pour son troisième long-métrage, passe à la vitesse supérieure en proposant un monster movie brillant, récoltant les fruits d'une audace aux antipodes des figures trop souvent imposées par le genre. L'originalité ne sera toutefois pas à chercher du côté du contexte puisque, le noyau familial en mode survie, au centre d'un scénario épuré et aux scènes choc rationnées bousculant un climat de danger post-apo étouffant, rappelle forcément It Comes at Night sorti l'année dernière, Sans un bruit s'inscrivant dans cette nouvelle vague horrifique singulière et "très écrite"  qui vient ponctuellement secouer les salles françaises telles It Follows en 2015, The Witch en 2016 ou encore Get Out en 2017.


Là où Sans un bruit (à ne pas confondre avec le Pas un bruit de Mike Flanagan) tire son épingle du jeu, c'est dans son concept articulé autour du silence. Le réalisateur, s'engageant dans une problématique souvent analogue à ses personnages, doit alors redoubler d'ingéniosité pour transmettre les informations narratives essentielles afin de maintenir l'attention du public. Voilà ce qui le rend d'office attachant. Il s'inscrit dans cette tradition de longs-métrages où les rapports humains sont au centre de l'histoire et s'intéresse ici à la mise en péril de la cellule familiale lorsqu'elle est privée de parole, générant ainsi non-dits et incompréhensions. Un danger qui, à l'extérieur, prend la forme de monstres à l’ouïe hyper sensible, prompts à prendre en chasse celui qui osera titiller leur sensibilité auditive. Prenant alors des allures d'Alien rencontrant The Descent, il faut bien avouer que la pugnacité et la férocité des monstres impressionnent. Fruit d'un laborieux travail collectif du production designer Jeffrey Beecroft et de son équipe composée notamment de Mark Hawker, superviseur des effets spéciaux (SOS Fantômes, Annabelle 2) et Rick O'Connor (Jurassic Park 3, La Guerre des mondes), superviseur de l'animation aux côtés d'ILM, on pourrait même parler d'exploit puisque deux mois encore avant la sortie du film, l'équipe devait reprendre à zéro le look de la créature, jugé pas entièrement satisfaisant. Presque un comble lorsque l'on sait à quel point Sans un bruit joue sur la suggestion, ne dévoilant le monstre qu'avec parcimonie.



Mais bien que la créature apporte forcément son lot de frisson, la véritable force de Sans un bruit réside dans ses longues séquences muettes, durant lesquelles le verbal et le non verbal doivent s'accorder, l'essentiel des échanges passant par le langage des signes. Avec une telle contrainte, inutile de rappeler l'importance du choix des acteurs. John Krasinski (Detroit) ici réalisateur, s'octroie dans la foulée le rôle du chef de famille, chargé de transmettre les clés de la survie à sa progéniture. Pour la première fois, il travaille avec Emily Blunt (Wind Chill, Wolfman), son épouse à la ville et à l'écran, bluffante de vérité dans le rôle de la mère protectrice. Ce partenariat devant les caméras est payant et donne d'autant plus d’intensité aux situations d'intimité ou lorsque la responsabilité parentale vient se poser en rempart aux attaques du monde extérieur, soit ici une menace d'origine extraterrestre dont on ne sait pas grand chose. La fille rebelle et le jeune fils sont respectivement incarnés par Millicent Simmonds (Le Musée des merveilles) véritable sourde muette dans la vie, mise à contribution sur le plateau pour briefer le casting et le jeune Noah Jupe (Penny Dreadful,  Bienvenue à Suburbicon) pas moins impressionnant dans l'expression de sa terreur vécue à hauteur d'enfant.

Sans un bruit marque l'essai et s'affiche comme la bonne surprise de milieu d'année. Pour sa première excursion dans le domaine horrifique, sous la bannière de Platinum Dunes, boîte de production de Michael Bay à l’origine des sanglants remake de Massacre à la tronçonneuse et d'Amityville, John Krasinsky parvient à contourner astucieusement le genre en livrant par-dessus tout un film touchant et juste sur la famille, la parentalité, le passage du relais. Il s'approprie avec brio le scénario de Bryan Woods et Scott Beck qu'il réécrit, ce dernier ne contenant à l'origine qu'une seule ligne de dialogue, et fait peut-être l'erreur, cependant surmontable, d'employer un score alors que le silence est au cœur du projet. Attention toutefois, la consommation de pop-corn est plus que jamais proscrite en salles, la première partie du film étant plongée dans un silence quasi-complet.
N.F.T.


EN BREF
titre original : A Quiet Place
distribution : John Krasinski, Emily Blunt, Millicent Simmonds, Noah Jupe...
pays d'origine : États-Unis
budget : 17 000 000 $
année de production : 2018
date de sortie française : 20 juin 2018
durée : 90 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 4/5

† EXORCISME †
▲ Concept audacieux
▲ Casting béton
▲ Monstres féroces

 - DÉMYSTIFICATION -
▼ Gestion du silence perfectible
▼ Dernier plan réjouissant mais frustrant 
▼ L'envie persistante de voir la bête

LE FLIP
La scène cauchemardesque du silo...

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