WEDDING NIGHTMARE (2019) de Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin [Critique]

 Évaluation du dossier : 3.5/5 []

La nuit de noces d’une jeune mariée tourne au cauchemar quand sa riche et excentrique belle-famille lui demande d’honorer une tradition qui va se révéler meurtrière et où chacun luttera pour sa survie.

En 1974 Massacre à la Tronçonneuse envoyait au tapis dès le 1er round le mythe de la famille modèle américaine. En 2019 Wedding Nightmare bien que plus aseptisé, finit par s'imposer à son tour et remporter le combat aux points.

Depuis deux décennies, grosso modo, il est de bon ton de critiquer les traditions, valeurs et dysfonctionnements familiaux, et les secrets qui vont avec. Ça n’a pas toujours été le cas. Le sujet a eu son heure de subversion, surtout dans les années 70 et 80, et connu ses prises de risques et essuyé les plâtres dans tous les genres (Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper en 74, Violette Nozière de Claude Chabrol en 78, Halloween de John Carpenter en 79, Le Septième Continent de Michael Haneke en 89, Festen de Thomas Vintenberg en 98…). Alors qu’aujourd’hui, comme dans le cas de Wedding Nightmare, agrémentez une affaire de famille d’une histoire de mariage (dont le retour en vogue est du pain béni pour le box-office), saupoudrez d’humour, et vous obtenez un bijou de sujet à potentiel "bankable". Si par le plus pur hasard quelques top models, ou ex top models, s’affichent au casting  dont Samara Weaving (La Baby-Sitter) et Andie MacDowell (Un jour sans fin, Sexe, mensonges et vidéo), surtout profitez de l’aubaine. Reste tout de même à trouver un angle d’attaque, ingrédient nécessaire pour lier la sauce. Ce à quoi parviennent finalement assez bien les réalisateurs Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin (V/H/S, The Baby) en s’orientant vers la comédie horrifique, avec l’option grand public, car tout cela bénéficie d’une distribution Fox Searchlight Pictures, désormais filiale de Disney.



Wedding Nightmare, traduction inutile pour la France du titre original Ready or Not (tandis que les québécois, eux, ont droit à Prêt pas prêt), nous convie au mariage de Grace avec Alex, futur héritier de la richissime famille Le Domas qui a bâti une partie de sa fortune dans l’industrie de jeux de société. La tradition familiale veut que chaque "pièce rapportée" soit, le soir des noces, l’objet d’une intronisation en participant à un jeu qu’elle aura elle-même tiré au sort. Grace tombe sur le seul à éviter à tout prix, le jeu dit de "la cachette" qui, on le comprend dès les premières minutes, ne consiste ni plus ni moins qu’en une chasse à l’homme, en l’occurrence ici une chasse à la mariée, jusqu’à ce que mort s’en suive, sous peine, d’après la "légende familiale", de voir le reste de la famille disparaître sous l’effet d’une malédiction.



Un des tours de force des auteurs réside dans le choix d’un savant mélange des registres. On passe ainsi avec le plus grand naturel du suspense à la comédie romantique, de l’horreur au burlesque, de l’humour noir au drame sentimental, du survival au fantastique, dans un festival du jeu de codes. Ce subtil déluge de douches froides pallie une mise en scène qui laisse complètement de côté ses personnages, tous effleurés, assez inintéressants, archétypaux, dans une manière d’illustration de jeu des sept familles. La préoccupation du film se trouve alors pour l’essentiel dans la réalisation du jeu lui-même, la chasse macabre, soutenue par un rythme efficace. Tout se passe comme si on suivait une partie de jeu vidéo, mais dont l’issue pour Grace serait connue d’avance (il ne faut pas faire polytechnique pour la deviner), ce qui ne veut pas dire que la fin ne réserve pas de surprises. Au contraire. Et c’est là un autre des tours de force du film : détourner l’attention du spectateur et jouer avec les codes du film de survie. 

On s’en rend compte, le thème du jeu est présent à tous les niveaux. Les personnages n’arrêtent pas de flirter avec la duperie, soit en mentant à Grace, en se mentant les uns aux autres, ou en se mentant à eux-mêmes. Le plan de la partie change ainsi plusieurs fois de carte au cours de l’histoire et permet à cette dernière de se maintenir à flots. Le lieu unique de l’action, à savoir une demeure bourgeoise typique de très bonne famille, terrain de jeu idéal avec ses pièces multiples, ses salons, ses couloirs, ses recoins et cachettes, constitue comme l’Overlook hotel de Shining, ou Hill House, le manoir de La Maison du diable, un personnage à lui seul, voire le personnage principal. Saluons au passage Andrew M. Stearn  (Chicago, Dark Water) pour les décors très bien mis en valeur par la lumière de Brett Jutkiewicz (Them That Follow, Wanderland). 



Le principal bémol du film est à chercher, comme évoqué plus haut, du côté des personnages stéréotypés à mort, même si, on l’imagine, ils le sont dans un but humoristique. Il en découle une critique sociale hyper caricaturale, réduite à l’opposition "gentils pauvres naïfs" et "méchants riches prêts à vendre leur âme au diable". En comparaison, la vraie subversion d’un film comme Massacre à la tronçonneuse se loge à cet endroit, dans le fait que tout le monde est tour à tour à plaindre et à blâmer, classes moyennes, pauvres, handicapés, chasseurs et pourchassés. À ce moment seulement alors, l’humour qui suinte est véritablement noir.

Malgré des personnages trop fades, une critique aseptisée et ultra convenue des traditions et pesanteurs familiales et sociales, Wedding Nightmare détonne et se laisse regarder avec plaisir pour son jeu de construction et déconstruction, avec ou sans sa belle-famille, et ne nous rappelle peut-être rien d’autre, en fin de compte, qu’un jeu, aussi sérieux soit-il, reste un jeu. 
M.V.


EN BREF
titre original : Ready or Not
distribution : Samara Weaving, Adam Brody, Mark O'Brien...
pays d'origine : Canada / États-Unis
budget : 6 000 000 $
année de production : 2019
date de sortie française : 28 août 2019 
durée : 96 minutes
adrénomètre : ♠ 
note globale : 3.5/5

† EXORCISME †
▲ Genre singulier
▲ Scénario
▲ Photographie

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Personnages caricaturaux
▼ Politiquement correct
▼ Absence de tension

LE FLIP 
Clouée au-dessus d’une fosse pleine de cadavres pendant sa nuit de noce...

LIRE AUSSI


Commentaires

En cours de lecture