Critique : La fille au bracelet

Stéphane Demoustier passe d’un film sans conflit (Allons enfants) à une œuvre où le conflit, en l’occurrence un procès, sert de moteur au récit. En plaçant une adolescente sur le banc des accusés pour un homicide, le cinéaste livre un film captivant, qui explore la vie des adolescents d’aujourd’hui.

Meilleure accusée

C’est par un tableau à la trivialité troublée que débute La fille au bracelet : à la plage, une famille voit l’après-midi interrompu par des policiers venant arrêter Lise – Melissa Guers, une belle présence pour une non-professionnelle –, adolescente qui ne semble pas résister. Tout est question d’apparences pour le spectateur puisque la scène est filmée à une distance qui ne permet pas d’entendre ce qui se dit, ce qui se joue sur les visages : comme si nous étions des badauds se promenant sur le front de mer. Deux ans plus tard, Lise Bataille vit assignée à résidence, équipée d’un bracelet électronique à sa cheville, alors que s’apprête à s’ouvrir son procès en cour d’assises. Maintenant, le spectateur est au plus près de cette famille dont le quotidien a été bouleversé lors de l’arrestation, et nous serons aussi au plus près du procès afin de déterminer, tels les jurés, si la jeune fille est coupable du meurtre de sa meilleure amie le lendemain d’une soirée de fête. Les faits sont terriblement graves, et pourtant les enjeux semblent ne pas affecter cette jeune femme au visage fermé, comme si toute la bataille était perdue d’avance, ou comme s’il n’y avait rien à sauver, pas même sa liberté, galvaudée cet après-midi du lendemain. Le père, Bruno (Roschdy Zem), surveille de près sa fille, notamment lorsqu’un certain Diego vient lui rendre visite à la maison. Il accompagnera sa fille aux audiences sans sa femme Céline (Chiara Mastroianni), prise par le travail, ou bien s’abandonnant au travail pour ne pas devenir un rouage du procès de sa propre fille. Quant à Jules (Paul Aïssaoui-Cuvelier), le frère cadet, il n’a pas encore la maturité nécessaire pour saisir ce qui se joue. Si sa sœur finit en prison, il aura sa chambre, voilà ce qui lui importe !

Moins didactique que le récent et très réussi Une intime conviction, La Fille au bracelet, relecture du scénario d’un film argentin, Acusada, se montre savamment construit, révélant ses éléments clés avec un vrai sens du suspense et du rythme. On découvre avec effroi la victime, on reconstitue les événements de la soirée, ceux du lendemain, et au fil des témoignages et pièces à conviction, nous plongeons dans l’intimité de cette adolescente qui n’est plus du tout une enfant malgré certaines moues encore propre aux plus jeunes : c’est déjà une femme, qui vit sa sexualité comme elle l’entend, qui la révèle froidement à toutes les personnes présentes au tribunal, et donc à son père, avec lequel on l’imagine difficilement raconter des choses aussi intimes. Les mœurs d’une adolescente peuvent-ils jouer en sa défaveur ici ? Voilà une question primordiale avec le peu de pièces que possède l’avocate générale (Anaïs Demoustier) afin de faire condamner Lise, qui peut compter sur le tempérament et l’ouverture d’esprit de son avocate (Annier Mercier) pour contrecarrer des arguments parfois pernicieux. Dans cette affaire où une famille est accablée par la perte d’une enfant, une autre voit leur destin suspendu à un jugement où le doute plane : comme tout bon film de procès, le long métrage de Stéphane Demoustier souligne la fragilité que peut prendre la justice dans certaines affaires. Notre verdict est par contre sans appel, La fille au bracelet mérite bel et bien d’être vu.

3.5 étoiles

 

La Fille au bracelet

Film français
Réalisateur : Stéphane Demoustier
Avec : Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Annie Mercier, Anaïs Demoustier, Pascal-Pierre Garbarini, Mikaël Halimi, Léo Moreau, Victoria Jadot, Paul Aïssaoui-Cuvelier
Scénario de : Stéphane Demoustier, d’après un scénario d’Ulises Porra et Gonzalo Tobal
Durée : 95 min
Genre : Drame, Judiciaire
Date de sortie en France : 12 février 2020
Distributeur : Le Pacte

 

Crédits photogrammes : Copyright  Mathieu Ponchel / Le Pacte

Article rédigé par Dom

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