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Daniel Cohn-Bendit et la « pédophilie » : les faits sur les accusations qui refont surface

Des charges à l’encontre de l’homme politique resurgissent à l’approche des élections européennes, comme déjà en 2009.

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Publié le 14 mai 2019 à 09h46, modifié le 14 mai 2019 à 09h57

Temps de Lecture 5 min.

Daniel Cohn-Bendit n’est pas candidat aux élections européennes, mais il n’en est pas moins une cible de choix dans la dernière ligne droite de la campagne. L’écologiste, qui soutient la liste de La République en marche (LRM), fait, depuis plusieurs jours, l’objet d’accusations de « pédophilie » sur les réseaux sociaux.

Ces messages, largement partagés sur Facebook et YouTube, font en partie allusion à de vrais écrits et de vraies déclarations de l’ancien leader de Mai 68. Mais ils versent aussi pour beaucoup dans une forme de calomnie, bien loin de ce que les faits connus permettent d’affirmer. Sans oublier que l’intéressé à lui-même fait plusieurs mises au point sur le sujet ces vingt dernières années, face à de précédentes accusations similaires. Le point sur ce qui est avéré et ce qui ne l’est pas.

1. Ce que Daniel Cohn-Bendit écrivait en 1975

Le point de départ des accusations à l’encontre de Daniel Cohn-Bendit est une citation tirée de son livre Le Grand Bazar (P. Belfond, 1975), mise en avant dans un photomontage largement diffusé.

Cette phrase, l’ancien eurodéputé l’a bien écrite dans son livre. Voici l’extrait remis en contexte :

« Il m’était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : “Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi vous m’avez choisi, moi, et pas les autres gosses ?” Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même. »

« Ce n’est pas quelque chose qui a été fait »

Ce n’est pas la première fois que ces écrits sont mis en avant pour accuser Daniel Cohn-Bendit de complaisance envers la pédophilie. La publication de l’extrait en question par plusieurs journaux en 2001, déjà, avait suscité un certain émoi en Allemagne, en France et au Royaume-Uni.

L’intéressé s’était alors défendu en invoquant le contexte de l’époque, comme il l’affirmait alors au Monde : « Je peux facilement m’expliquer là-dessus. Ce passage, ce n’est pas quelque chose qui a été fait, c’était une provocation. » Il affirme avoir, à l’époque, eu un « besoin maladif de la provocation », concédant que ses écrits des années 1970 étaient devenus « intolérable[s] » et que « plus personne n’écrirait cela ».

A son crédit, il a pu se prévaloir d’une lettre de soutien de parents et d’enfants des crèches alternatives dans lesquelles il a officié, rejetant « catégoriquement toute tentative de rapprochement entre Daniel Cohn-Bendit et des personnes coupables d’abus sexuels sur enfants ». « Sachant ce que je sais aujourd’hui des abus sexuels, j’ai des remords d’avoir écrit tout cela », reconnaissait également M. Cohn-Bendit dans L’Express en 2001.

2. Ce qu’il disait en 1982 dans « Apostrophes »

D’autres propos, télévisés cette fois, ont également été exhumés pour accuser Daniel Cohn-Bendit de comportements inappropriés. Il s’agit cette fois d’un extrait de l’émission « Apostrophes » sur Antenne 2, en 1982, au cours duquel il déclare : « Quand une petite fille de cinq ans et demi commence à vous déshabiller, c’est fantastique. »

Là encore, les propos sont bien de Daniel Cohn-Bendit. La vidéo de la scène, retrouvée par « Arrêt sur images » en 2009, est encore en ligne. On y entend l’écologiste expliquer qu’il s’occupait de « huit petits gosses de 16 mois à deux ans » dans des crèches alternatives : « Je vais leur torcher le cul, ils vont me chatouiller et je vais les chatouiller… » L’écrivain Paul Guth, avec lequel M. Cohn-Bendit s’est à plusieurs reprises chamaillé au cours de l’émission, l’interrompt : « A condition qu’il n’y ait pas trop de papouilles. » « Oh, c’est ridicule… », peste alors le politicien.

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C’est alors qu’intervient la citation sur la petite fille de cinq ans. « Vous me troublez », sourit alors Paul Guth. « Oh non, pas tant que ça, vous vous y attendiez », s’esclaffe alors Daniel Cohn-Bendit.

Là encore, l’intéressé s’est, par la suite, prévalu du contexte et d’une volonté de provoquer pour expliquer ses propos ; il s’est également targué au cours de la même émission d’avoir pris, avant l’entretien, un « petit gâteau au hasch ».

« Prétendre que j’étais pédophile est une insanité. La pédophilie est un crime. L’abus sexuel est quelque chose contre lequel il faut se battre. Il n’y a eu de ma part aucun acte de pédophilie », assurait-il, en tout cas, à Libération en 2001.

Le ton a changé lorsque ses propos passés ont été exhumés par François Bayrou, sur France 2, lors d’un débat sur les élections européennes 2009 : « Je trouve ignoble, moi, d’avoir poussé et justifié des actes à l’égard des enfants que je ne peux pas accepter… » Daniel Cohn-Bendit n’avait pas souhaité répondre au cours de l’émission, mais avait estimé ensuite que le président du MoDem avait « pété les plombs ».

3. Aucune « victime » déclarée

Au-delà de ces archives bien réelles, Daniel Cohn-Bendit est également visé par des mises en cause directes sur les réseaux sociaux. Il a notamment été pris à partie dans une vidéo du youtubeur Isadora Duncan – qui est en réalité un paparazzi, Marc Rylewski, connu pour aborder des personnalités du monde audiovisuel de manière très insistante, ce qui lui vaut une convocation au tribunal pour des faits de « harcèlement moral » sur la journaliste Audrey Crespo-Mara.

Dans cette séquence, visionnée plus de 250 000 fois sur YouTube depuis le 6 mai, le youtubeur s’approche de Daniel Cohn-Bendit dans le métro et l’interpelle : « Est-ce que vous avez essayé de vous renseigner sur les petits enfants que vous avez attouchés ? (…) Est-ce que vous ne croyez pas que vous devriez vous en préoccuper ? » L’intéressé élude poliment les questions par un « bonne journée ».

Cette vidéo a été largement relayée sur les réseaux sociaux, notamment par des pages Facebook d’extrême droite. Elle s’écarte pourtant largement des faits établis à ce jour. Les propos « intolérable[s] » (selon ses propres mots) que l’ancien leader de Mai 68 a pu tenir au cours des années 1970 et 1980 peuvent apparaître aujourd’hui comme une apologie ou une manière de minimiser les abus sexuels sur des enfants.

Mais il est outrancier d’évoquer des « petits enfants » qu’il aurait « attouchés » là où, en réalité, aucun fait précis ne lui a été reproché en la matière. Personne, à ce jour, ne s’est déclaré « victime » de Daniel Cohn-Bendit ou aurait fait état de faits répréhensibles qui se seraient déroulés dans le cadre de ses activités auprès d’enfants en bas âge.

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