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Panorama

La révision des institutions et de la Constitution

Emmanuel Macron veut réformer le Cese, le Conseil économique, social et environnemental. (THOMAS SAMSON - AFP)

Par Valérie Mazuir

Publié le 13 déc. 2018 à 18:07Mis à jour le 3 janv. 2019 à 11:51

DOSSIER - 30 % de parlementaires en moins, 15 % de proportionnelle, une limitation du cumul des mandats,… la vaste réforme des institutions passe par trois projets de loi, ordinaire, organique et constitutionnelle. Sauf que son examen au Parlement, rendu impossible cet été par l'affaire Benalla, est reporté après la fin du grand débat national pour tenir compte des revendications des « gilets jaunes ». Explications.

La révision des institutions, qui met en musique la vaste réforme annoncée par Emmanuel Macron lors son discours devant le Congrès le 3 juillet 2017, a été dévoilée le 4 avril 2018 par Edouard Philippe, à l'issue de plusieurs semaines de consultations.

Ce projet se décline finalement en trois projets de lois distincts (constitutionnelle, organique et ordinaire). Il prévoit notamment une réduction du nombre de parlementaires, l'introduction d'une dose de proportionnelle pour les élections législatives, la suppression de la Cour de justice de la République, une réforme du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et environnemental ou encore la fin pour les anciens présidents de la République d'être membres de droit du Conseil constitutionnel.

Des modifications relatives au fonctionnement du Parlement sont aussi prévues avec une limitation du droit d'amendement, un raccourcissement des navettes au profit de l'Assemblée et une maîtrise accrue de l'ordre du jour par l'exécutif. Des dispositions critiquées par l'opposition de droite comme de gauche.

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Une longue bataille parlementaire… interrompue

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Les députés ont entamé, le 10 juillet 2018, au lendemain du discours d'Emmanuel Macron devant le Congrès une bataille parlementaire de plusieurs mois sur cette vaste réforme. L'Assemblée nationale devait examiner du 10 au 20 juillet le projet de réforme constitutionnelle, avec un vote solennel le 24 juillet. Les deux autres textes (ordinaire et organique) étant examinés à la rentrée. Mais l'examen du projet de loi a été suspendu après un blocage inédit de l'Assemblée lors de l' affaire Benalla .

Alors que l'examen du texte devait finalement reprendre en janvier, il a été à nouveau reporté en raison du grand débat national décidé face au mouvement des « gilets jaunes » . L'exécutif souhaite laisser la porte ouverte à des ajouts ou des modifications de la révision des institutions « pour tenir compte des éventuelles modifications qui seront souhaitées par les Français ». L'hypothèse d'un référendum à questions multiples est sur la table.

« Nous devons, grâce au débat, redonner toute sa vitalité à notre démocratie. J'aurai sur ce sujet des décisions à prendre car d'évidence, nos institutions doivent continuer à évoluer », a déclaré Emmanuel Macron dans ses voeux.

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Congrès et/ou référendum ?

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Pour être validée, toute réforme constitutionnelle doit être votée dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée puis par au moins trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès à Versailles. Pour les textes ordinaire et organique, il suffit d'une majorité à l'Assemblée.

Lors de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles, le 3 juillet 2017.

Lors de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles, le 3 juillet 2017.Eric FEFERBERG - AFP

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Le Sénat, dominé par la droite, sans qui l'adoption de la réforme est donc impossible, voit dans ce texte un affaiblissement des droits du Parlement face à l'exécutif, avec notamment la proposition de limiter les amendements ou réduire les navettes pour les textes.

Gérard Larcher, le président de la Haute Assemblée, a fixé plusieurs lignes rouges : « Que les droits du Parlement soient préservés, et qu'on se préoccupe du territoire, dans sa représentation ». Les sénateurs LR sont aussi vent debout contre le renouvellement intégral du Sénat en septembre 2021, et non par moitié comme actuellement.

Devant le Congrès à Versailles en juillet 2017, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de recourir au référendum pour réformer les institutions. Cette hypothèse prend un relief particulier dans le contexte des « gilets jaunes », qui demandent notamment davantage de démocratie participative, à travers des assemblées citoyennes ou l'organisation d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC).

La prise en compte du vote blanc, l'introduction d'une dose de proportionnelle, ou la limitation du cumul des mandats dans le temps, qui relèvent de la loi ordinaire, pourraient faire l'objet d'un référendum, défini par l'article 11 de la Constitution : le président, sur proposition du gouvernement, soumet un ou des projets de loi à référendum. Mais les questions d'incompatibilité de mandats ou de réduction du droit d'amendement supposent, elles, de réviser la Constitution et relèvent d'un référendum constitutionnel, défini par l'article 89. Or il est difficile à envisager étant donné que le texte de loi doit être auparavant adopté dans des termes identiques par les deux assemblées.

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Les principales mesures :

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15 % de proportionnelle

Pendant la campagne, Emmanuel Macron s'était dit « favorable à la proportionnelle de manière dosée pour refléter le pluralisme de notre vie politique » dans le cadre des élections législatives. Réclamée de longue date notamment par le Front national au nom du pluralisme politique, cette initiative fait l'objet de fortes divergences entre les différents groupes parlementaires.

Chez les LREM, François de Rugy défendait, lorsqu'il présidait l'Assemblée, la fourchette haute (25 %), là où plusieurs députés de la majorité souhaitent au maximum 15 % pour des « majorités claires ». Côté Modem, 25 % a longtemps été poussé comme le niveau « minimal ». Si les petites formations sont naturellement d'ardents partisans de la proportionnelle, Les Républicains sont contre, pointant un risque d'« instabilité ». Gérard Larcher n'était pas contre une dose « raisonnable » autour de 10 % initialement. Il a surtout obtenu la garantie d'un député et d'un sénateur par département.

Finalement le projet du gouvernement prévoit l'introduction d'une dose de 15 % de proportionnelle, à partir de législatives de 2022. L'élection des députés des Français de l'étranger (dont le nombre passera de 11 à 8) se fera à la proportionnelle intégrale, ce qui porte au final la dose de proportionnelle à 17 %.

61 députés seront élus sur des listes nationales. Au premier tour des législatives, les électeurs devront donc choisir deux bulletins : un pour le député de leur circonscription élu au scrutin majoritaire à deux tours, un pour le député élu à la proportionnelle. Les 8 députés représentant les Français de l'étranger seront élus à la proportionnelle dans une circonscription dédiée.

Si elle est très sensible politiquement, il suffit pour faire adopter cette réforme d'une loi ordinaire, sur laquelle l'Assemblée a le dernier mot.

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30 % de parlementaires en moins

Conformément à la promesse du chef de l'Etat, le nombre de parlementaires va être réduit de 30 % « dans des conditions qui garantissent la représentation de tous les départements et territoires ». A l'heure actuelle, la France compte 577 députés et 348 sénateurs. Le nombre de députés sera donc ramené à 404 et le nombre de sénateurs à 244 lors des prochaines élections. Ce sont ainsi 277 sièges sur 925 qui seront supprimés.

« Un Parlement moins nombreux, mais renforcé dans ses moyens, c'est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s'entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux. C'est un Parlement qui travaille mieux », avait souligné le chef de l'Etat en juillet à Versailles.

Cette refonte entraînera un redécoupage des 335 circonscriptions restant au scrutin majoritaire sur des bases essentiellement démographiques, avec la garantie de conserver au moins un député et un sénateur par département, comme le réclamait Gérard Larcher. Pour cette nouvelle architecture, le gouvernement procédera par ordonnance.

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Le cumul des mandats limités dans le temps

Autre point de crispation avec certains élus, la limitation à trois mandats identiques complets et consécutifs pour les députés, sénateurs et présidents d'exécutif local dans les communes de plus de 9.000 habitants (97 % des maires).

Face à la bronca soulevée par cette mesure, le chef de l'Etat avait précisé en novembre lors du Congrès des maires qu'elle ne concernerait pas les maires de communes de moins de 3.500 habitants. Le Sénat, qui demandait d'élargir cette mesure à d'autres communes, a finalement eu gain de cause.

La limitation du cumul ne concernera que des mandats identiques, complets et successifs. Et seul le mandat en cours sera pris en compte dans le calcul. Les premiers députés concernés par cette interdiction le seront donc en… 2032

Pour ces deux mesures, le gouvernement envisage un projet de loi organique, même si certains juristes pensent que le non-cumul nécessite une modification de la Constitution. Ce projet de loi organique exigerait néanmoins un vote identique des deux chambres car il touche au Sénat.

En cas de blocage au Sénat, l'exécutif pourrait éventuellement recourir à l'arme du référendum, via l'article 11 de la Constitution qui touche à l'organisation des pouvoirs publics. Le Conseil constitutionnel se prononcerait alors sur la légalité du décret de convocation de ce référendum.

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Accélération des procédures parlementaires

« Chaque loi nécessite presque un an de débats parlementaires », avait déclaré pendant la campagne Emmanuel Macron qui relevait « des procédures trop lentes engendrant des textes trop complexes, mal maîtrisés ». Les projets de texte les plus importants ou urgents pourront désormais bénéficier d'une inscription prioritaire à l'ordre du jour. La procédure sera accélérée après la commission mixte paritaire, même si la nouvelle lecture au Sénat sera maintenue.

Le vote du budget sera lui plus rapide (50 jours au lieu de 70 jours) mais « un temps plus long sera dédié chaque printemps à l'évaluation des politiques publiques et au contrôle de l'exécution du budget par les ministres. »

L'exécutif avait souhaité également restreindre le droit à l'amendement. Cette mesure perçue comme une « attaque frontale contre le pluralisme » a finalement été abandonnée dans le projet final. Les présidents des Assemblées sont convenus toutefois « qu'il était nécessaire de limiter les amendements sans portée normative, sans lien direct avec le texte ou qui ne seraient pas du domaine de la loi ».

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Droit à la différenciation territoriale

Les collectivités locales de métropole et d'outre-mer pourront « adapter les règles qui régissent leurs domaines de compétence à la réalité de leur territoire ». Un « pacte girondin » mais aussi « un gage d'efficacité et une façon de réformer sans céder à l'esprit de système », a souligné le Premier ministre.

La spécificité corse sera inscrite dans la Constitution.

La spécificité corse sera inscrite dans la Constitution.MAGNIN/SIPA

La Corse fait son entrée dans la Constitution. Conformément à ce qu'avait annoncé Emmanuel Macron lors de son déplacement sur l'île de Beauté en février 2018, elle sera mentionnée. Un cinquième alinéa de l'article 72 est créé. Il stipule que « la Corse est une collectivité à statut particulier ». Elle pourra adapter ses règles et créer des taxes locales.

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Suppression de la Cour de justice de la République

Le projet de loi propose de supprimer la Cour de justice de la République, cette juridiction d'exception, créée en 1993 et chargée de juger les ministres pour des crimes et délits commis « dans l'exercice de leurs fonctions ».

Les ministres seront jugés par la cour d'appel de Paris, avec la mise en place d'un filtre pour éviter les procédures abusives.

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Transformer le Cese

L'exécutif souhaite diviser par deux le nombre de membres du Conseil économique social et environnemental (Cese). Cette instance, qui est inscrite dans la Constitution, compte 233 membres, désignés pour un mandat de cinq ans, et 60 personnalités associées.

Le Cese sera transformé en « Chambre de la participation citoyenne » et sera notamment en charge de la consultation du public via les pétitions. Il sera systématiquement consulté en amont des projets de loi relevant du champ économique, social et environnemental. Mais son avis restera purement consultatif.

Emmanuel Macron veut réformer le Cese, le Conseil économique, social et environnemental.

Emmanuel Macron veut réformer le Cese, le Conseil économique, social et environnemental.THOMAS SAMSON - AFP

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Conseil constitutionnel

La révision constitutionnelle prévoit la disparition du statut de membre de droit du Conseil constitutionnel pour les anciens chefs de l'Etat.

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Conseil supérieur de la magistrature

Le projet de réforme propose que les magistrats du Parquet soient nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, et non plus sur avis simple.

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L'article 1 de la Constitution

Répondant à une demande répétée des écologistes, le texte modifie l'article 34 de la Constitution qui fixe les principes fondamentaux de la loi pour y inscrire, en plus de la préservation de l'environnement, la « lutte contre les changements climatiques ». En commission des Lois, les députés ont adopté un amendement qui inscrit dès l'article 1er de la Constitution que « la France agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre le changement climatique ».

L'Assemblée a supprimé à l'unanimité le mot « race » de l'article 1er de la Loi fondamentale et a également interdit toute « distinction de sexe ». Dans l'article 1 réécrit qui définit les valeurs fondamentales de la République, la France « assure légalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d'origine ou de religion ».

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Service national universel

L'article 34 de la Constitution pourrait également être modifié sur avis du Conseil d'Etat afin de mettre en place le projet de service national universel.

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Réviser l'organisation du Congrès

Le gouvernement va déposer un amendement au projet de loi constitutionnelle pour permettre au chef de l'Etat d'écouter les parlementaires et leur répondre lors des Congrès, a annoncé Emmanuel Macron lors de son discours à Versailles le 9 juillet 2018. Si la révision de 2008 a offert la possibilité au chef de l'Etat de prendre la parole devant le Congrès - il ne pouvait le faire que par messages écrits auparavant - l'article 18 de la Constitution décide que « sa déclaration peut donner lieu […] à un débat » mais « hors sa présence ».

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Pour en savoir plus :

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DOCUMENT Le texte du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace

DOCUMENT Le dossier législatif

DOCUMENT Le dossier de présentation de la réforme constitutionnelle :

DOCUMENT Le dossier de présentation de la réforme des institutions :

Avec agences

Valérie Mazuir

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