LES PLUS LUS
Publicité
Publicité

"Nos très chers émirs", le livre qui dérange

François Hollande et l'émir du Qatar Shekh Tamim bin Hamad al-Thani, en février 2016.
François Hollande et l'émir du Qatar Shekh Tamim bin Hamad al-Thani, en février 2016. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
François Labrouillère

L’ouvrage-choc de Christian Chesnot et Georges Malbrunot sur les liens ambigus entre certains politiques français et les richissimes monarchies du Golfe persique fait des vagues. Des personnalités ont contacté, en vain, l’ambassade du Qatar à Paris pour que celle-ci démente les accusations contenues dans le livre.

Le secrétaire d’Etat Jean-Marie Le Guen et la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet sont les seuls, jusqu’ici, à avoir déposé plainte pour diffamation contre les auteurs du livre « Nos très chers émirs » (ed. Michel Lafon). Ils font partie des personnalités -de droite comme de gauche- épinglées par Christian Chesnot et Georges Malbrunot qui les accusent d’avoir profité des largesses de l’ambassade du Qatar à Paris. Dans leur liste non exhaustive, les deux grand reporters, ex-otages en Irak, désignent aussi Rachida Dati, le député socialiste du Pas-de-Calais Nicolas Bays ou Dominique de Villepin, qui exigeait de voyager en « First ». «De 2007 à 2013, à l’époque de l’ancien ambassadeur Al-Kuwari, la représentation qatarie en France était devenue la boutique du Père Noël », affirment les auteurs. Cette générosité a été bien mal récompensée. Le petit émirat supporte mal le « Qatar bashing », sa mise en cause dans le financement du terrorisme islamiste, y compris par des politiques français. Le filon va se tarir avec l’avènement du jeune émir Tamin qui a ordonné au nouvel ambassadeur Meshal de mettre un terme à cette politique des « petits cadeaux ». Aujourd’hui, le Qatar cherche à redorer son blason et « le distributeur à billets de 500 euros » est fermé.

Publicité

Les SMS de Rachida Dati à l’ambassadeur

Dès sa publication, l’enquête de Chesnot et Malbrunot a mis en effervescence le petit monde des « amis » français de l’émirat qui pleurent leur mise à l’écart et la diète qui s’en est suivie. Le lendemain de la sortie du livre, le 21 octobre, l’ex-ministre Rachida Dati a envoyé deux émissaires à l’ambassade du Qatar qui ont exigé d’être reçus par l’ambassadeur Meshal. Celui-ci n’a pas voulu les voir et les a orientés sur son « chargé d’affaires » auprès duquel ils ont réclamé un démenti aux allégations contenues dans l’ouvrage sur le thème: « vous avez dénoncé Rachida, alors que c’est une amie du Qatar ». Le chargé d’affaires a nié ces accusations et n’a pas donné suite. Parallèlement, Rachida Dati a inondé l’ambassadeur Meshal de SMS comminatoires. Excédé, le diplomate, qui rejoindra le 1er novembre son nouveau poste à Washington, a dû couper court: « Ne m’appelez plus. Si vous avez quelque chose à dire, voyez avec mon chargé d’affaires ! »

La suite après cette publicité

A lire aussi : Marine Le Pen se jure "libre par rapport à l’argent du Qatar"

La suite après cette publicité

Du côté de Jean-Marie Le Guen, c’est un proche qui a contacté l’ambassade qatarie à Paris avec en substance ce message: « Ce n’est pas bien de balancer auprès de la presse. Après cela, la France va lâcher le Qatar quand il y aura des accusations contre le terrorisme. On ne vous soutiendra plus ».

L’omerta des politiques 

Président du groupe d’amitié France-Qatar, le député du Loir-et-Cher Maurice Leroy, a été épargné par l’enquête de Chesnot et Malbrunot, qui n’ont rien trouvé à lui reprocher. Pourtant, lui aussi a joint l’ambassade du Qatar après la publication du livre pour demander un démenti. Mettant dans la balance sa démission de la présidence du groupe d’amitiés, il a imploré: « les membres du groupe sont harcelés par les journalistes et c’est sur moi que ça retombe. Il faut que l’ambassade démente ». Là encore, la représentation qatarie a tenu bon.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

A lire aussi : Sarkozy : après son élection, une conférence pour la Qatar National Bank

CHERSEMIRS-1400px
©

Comme en témoigne cette intervention, les politiques français semblent peu pressés de faire la lumière sur les liaisons dangereuses de certains d’entre eux avec des pays tels le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Le député du Rhône Georges Fenech a bien demandé qu’une question d’actualité soit posée au gouvernement concernant les accusations à l’encontre de Jean-Marie Le Guen. Il s’est vu opposer une fin de non recevoir de la part de Christian Jacob, le patron du groupe Les Républicains à l’Assemblée. «Entre les partis politiques, c’est l’omerta, confie un parlementaire. Des gens de droite et d’autres de gauche sont mouillés. Il y a un intérêt commun à étouffer l’affaire. » Seul le député non inscrit Nicolas Dupont-Aignan a réclamé la création d’une commission d’enquête à l’Assemblée, tout en reconnaissant qu’il y avait peu de chance qu’elle aboutisse. Le député-maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromentin a posé pour sa part une question écrite au Premier ministre Manuel Valls. Depuis sa rupture avec l’UDI, il figure également parmi les indépendants à l’Assemblée. Quant au nouveau Parquet national financier, chargé de lutter contre la fraude et la corruption, il ne s’est encore saisi des graves accusations lancées par les deux journalistes. Cela n’empêche pas « Nos très chers émirs » de faire un tabac en librairie. Le livre a déjà été réimprimé trois fois en moins d’un mois.

A lire aussi : Le Qatar et le PS, les dessous d’une opération séduction

 

 

 

 

 

Contenus sponsorisés

Publicité