L'art de la guerre

Et de 4 pour le duo Peter Berg et Mark Wahlberg, une collaboration fructueuse qui permet à l'un de jouer les héros américains dans des rôles solides et à l'autre de puiser la force de son cinéma dans des films solides et souvent plus pertinent qu'ils en ont l'air. Jusqu'à maintenant, et sans offrir de grands moments de cinéma, les deux ont su donner de bons films et s'imposer comme un duo qui fonctionne du moins qualitativement parlant. L'excitation est donc de mise pour ce Mile 22 où Berg revient à un cinéma plus nerveux et brute dans la lignée de son The Kingdom, surtout qu'il débauche Iko Uwais dans un rôle majeur, son premier aux Etats-Unis, lui qui est la star d'art martiaux la plus impressionnante de sa génération. Malheureusement quand l'attente est haute, plus lourde s'avère être la déception.

Pourtant le film dispose d'une surprise de poids, son scénario. Et il est même étonnant d'être plus convaincu par l'écriture d'un film d'action que ce qu'il nous propose concrètement en terme de ladite action. Muni d'un protagoniste qui tient plus de l'anti-héros névrosé, Mile 22 s'adapte à sa psychologie pour offrir une intrigue au nihilisme délectable et dans la continuation des thématiques de Berg, à savoir l'étude d'une Amérique meurtrie et en pleine détérioration. L'histoire brille par sa complexité et possède un final d'exception qui fait toute la différence, prenant par surprise et s'imposant par son intelligence annonçant même une éventuelle suite qui pourrait s'avérer assez grisante. Surtout que le protagoniste et l'antagoniste forme les deux faces d'une même pièce symbole d'une époque sur le retour, plus trouble quand aux frontières de la moralité et qui est dénuée de héros. Alerte quand à la position d'un monde sur le point d'exploser, et surtout plongée dans la psyché passionnant d'un tueur lucide et intriguant, le film offre souvent des pistes de réflexions habiles et des dialogues maîtrisés. Tenu en plus par un casting impeccable, avec en tête un Mark Wahlberg solide et une Lauren Cohan convaincante, mais c'est bien Iko Uwais qui vole la vedette et livre une performance nuancée et physiquement irréprochable.

L'acteur et chorégraphe s'investit totalement dans des affrontements inventifs et percutants mais qui traduisent aussi le défaut principal du film. Peter Berg ne sait jamais en tirer profit ni leur faire honneur. Le montage est saccadé, illisible lors des scènes d'actions et la mise en scène de Berg manque d'envergure et de maîtrise pour les faire briller. Ce qui se révèle dommage car en soit, les chorégraphies font preuve d'une expertise assez dingue mais la réalisation technique n'est jamais à la hauteur et nous fait rêver d'un meilleur réalisateur qui aurait vraiment pu faire honneur au scénario mais aussi à l'action que le film essayait de nous proposer. D'autant plus décevant que Berg avait su accoucher dans Patriots Day, son précédent film, d'une scène de fusillade parmi les plus impressionnantes et maîtrisées de la décennie. Le côté brute et filmée caméra à l'épaule aurait pu être brillant si il avait correctement été géré et dans les mains d'un cinéaste tel que Paul Greengrass le tout aurait pu faire des merveilles.

Mile 22 est un film aussi surprenant que décevant. Mené par un scénario habile qui brille par son intelligence et sa réflexion pertinente d'une Amérique en pleine dégénérescence. Avec son anti-héros intéressant et sa conclusion audacieuse, le film intrigue et impressionne en plus composé par un bon casting où Iko Uwais exprime toute l'étendue de son talent. Malheureusement, Mile 22 loupe son objectif premier, l'action. Illisible et jamais mise en valeur par la réalisation faiblarde de Peter Berg malgré des chorégraphies pourtant inspirées et impressionnantes. Autant un échec qu'une réussite, Mile 22 se trouve ainsi pris entre deux feux lui qui aurait pu faire merveille dans les mains d'un cinéaste au style plus assuré. Pourtant le potentiel est bien là et on se laisse prendre à son intrigue torturé au point de ne pas être contre l'éventuelle suite qui nous est teasée.