Ces dernières années, Spike Lee avait quelque peu perdu son mojo cumulant les projets mineurs et décevants voire même s'enfermant dans des remakes inutiles et ridicules (son Old Boy version US). Mais avec ce BlacKkKlansman, il y avait derrière la promesse de le revoir dans un projet plus engagé et inspiré prenant pour base la folle histoire de Ron Stallworth, un policier noir ayant réussi à infiltré le Ku Klux Klan dans les années 70. Une histoire typiquement bigger than life qui montre que souvent la réalité peu dépasser la fiction. Un terrain de jeu idéal pour retrouver le Spike Lee des grands jours, totalement lié à ses thématiques et les grandes heures de son cinéma. En plus auréolé du Grand Prix du dernier Festival de Cannes, de quoi être vraiment curieux de voir le résultat.


Et il faut reconnaître que Lee ne déçoit pas, s'investissant à 100% dans l'histoire, il offre une reconstitution aussi glaçante qu'hilarante de cette époque mais aussi un réquisitoire jouissif contre le gouvernement Trump. Habilement écrite, l'intrigue prend la forme d'une satire acerbe où l'humour est d'autant mieux utilisé qu'il pointe les dérives d'un système et d'un mode de pensée en soulignant ses limites. Les membres du Ku Klux Klan sont des imbéciles inaptes et ridicules dépeints comme tel mais où leurs abrutissements devient dangereux car symptomatique de haine et d'ignorance. Le film à l'aisance d'arriver à nous faire rire aux éclats de leurs bêtises puis de nous faire rire jaune face à l'horreur et l'étendue de leurs cruautés permettant de nous prendre en pleine face l'ignominie et la persécution que subissent les minorités. BlacKkKlansman en devient d'autant plus trouble qu'il s'avère encore d'actualité prenant place dans une Amérique qui n'a pas évoluée et qui est toujours hantée par les mêmes démons. Une nation tellement névrosée par son manque d'identité qu'elle finit par se chercher dans les extrémités.


D'ailleurs Spike Lee décortique les extrêmes, que ce soit dans le Ku Klux Klan mais aussi les Black Panthers, confrontant les deux bouts et montrant l'escalade de la violence. Sans jamais condamné l'extrémisme des Black Panthers, défendant leurs droits, il a néanmoins la bonne idée de s'intéresser à un héros plus "neutre" et permet d'avoir une réflexion plus subtile sur le cercle vicieux du culte de la différence. Souvent sous le signe du second degré et de l'humour noir, il compose des relations troubles entre les personnages notamment entre Ron et ses coéquipiers qui même si assez peu développés recèle une belle ambiguïté. Certaines scènes et certains échangent viennent parfois à sonner faux, présentant l'hypocrisie que certains font preuve à l'égard de ceux auquel ils se croient supérieur. Le tout est en plus composé par un excellent casting, où chaque acteurs livrent une partition sans fausse note avec en tête un duo charismatique mené par l'excellent Adam Driver et la révélation John David Washington. Les deux brillent de charisme et partagent une alchimie délectable.


Spike Lee emballe son film d'une réalisation impeccable, disposant d'une photographie léchée et surtout une partition musicale sans fausse note et envoûtante qui apporte une belle gravité à l'ensemble. Sa mise en scène s'impose par l'élégance de son classicisme même si il cède un peu trop souvent à la citation des grands classiques de la blaxploitation mais contrebalance par un montage énergique et quelques idées assez ingénieuses. On notera une scène de danse mémorable et un plan final vertigineux qui marque la rétine et démontre à nouveau tout le savoir-faire du cinéaste. De plus, en composant son générique d'images des débordements de Charlottesville en 2017, il clôture sur une note choc et tétanisante qui décuple drastiquement la portée de son message.


BlacKkKlansman est un excellent film. Le retour en grâce d'un Spike Lee inspiré et qui signe une oeuvre aussi importante qu'elle arrive à s'imposer comme un divertissement de haute tenue. Grave, alerte et pertinent, il arrive aussi à être drôle et offrir un dosage parfait qui touche toujours sa cible. Accompagné en plus d'un très bon casting et d'une réalisation exemplaire, il n'y a pas grand chose à reprocher hormis peut-être des citations par moments trop envahissantes. Rien de vraiment dérangeant pour un film qui risque d'être un des plus marquants de cette fin d'année et qui prouve que Spike Lee n'a rien perdu de sa superbe malgré son récent passage à vide. BlacKkKlansman est grand, beau et fort, un cri alerte saisissant et qui marque.

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le 17 sept. 2018

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Flaw 70

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