Les pires effets numériques ? La parodie comme légitimation de la licence

Introduction : avant-première Cusco, Pérou


J’arrive tard, bien trop tard. Le bad-buzz touche à sa fin, le débit des critiques infâmes ralentit drastiquement sur Youtube. Moi, après avoir visionné tardivement le blockbuster lors d’une avant-première péruvienne a Cusco, je viens en rajouter une couche en nuançant, histoire d’apporter quelque chose de nouveau. Vous m'en direz tant...


Installez-vous confortablement et commençons par ce titre pute-a-click, mais pas si pute-a-click vous verrez. Je pourrais reprendre les lignes de l’intrigue et réaliser une analyse décortiquée par département artistique et exécutif, mais tout le monde l’a déjà fait. Qui plus est, je m’aligne avec une nette majorité jugeant le film de gâché par des producteurs assoiffés d’argent, intéressant pour quelques mises en scènes bayonniennes, mais complétement stupides, décérébrées scénaristiquement parlant. Le tout rythmé par des bons acteurs très mal exploités et un nouvel hybride, symbole de la déchéance de la licence et du blockbuster d’aujourd’hui. Ah je vais le dégommer dans la critique, faut vous y attendre. Le Brachiosaure bonne idée mais pas assez long et intense, la scène d’introduction Youpi-Oura crotte, la partie sur l’île, Brouch Crash Boum oooohoooh bad-ass et le manoir une sombre et lugubre blague. Jurassic World 2 eh bien bienvenue dans le Dark Cinematic Universe. Hâte du cross-over Vampire vs. Rexy. Et oui ma critique est à l’image de cette daube cinématographique, bon essayons de remonter le niveau avec le paragraphe suivant.


1993-1999 : De l'animal au monstre - l’âge d’or


La première grande problématique à mes yeux, touchant la nouvelle licence depuis le premier film de 2015 ce sont les effets visuels numériques 3D, dit CGI. L’une des seules forces avouées par les fans et cinéphiles serait les effets visuels. I beg you pardon ? ARE YOU KIDDING ME ? Petite précision sur la chose. Bien sûr que le travail sur les écosystèmes et la texture des dinosaures est un progrès que je ne peux nier. Or, je ne parle pas de cela, d’autant plus qu’on aura été plus étonné du côté des simiens ces dernières années. Et attendez, je n’ai pas fini de faire des liens avec La Planète des Singes.


Ce dont je parle, ce sont en premier lieu des dinosaures et de leur réalisme en tant qu’animaux. C’est ce qu’a instauré la première saga et c’est ce qui en fait inéluctablement sa force ; les dinosaures sont créés numériquement tels de vrais animaux et non plus comme ces monstres reptiliens Harryhaussiens en stop-motion des années 60. On ne peut changer les effets numériques d’un film a un autre, comme il est très déstabilisant de changer d’acteur principal pour un personnage iconique. Alors creusons, creusons le fond de ma pensée. Jurassic Park, premier du nom, révolutionne les CGI mais aussi l’image que l’on se fait des dinosaures de par leur représentation. Accordez une attention particulière à la recréation des espèces agréablement fidèles au registre fossile pour l’époque, ainsi qu’à la locomotion et aux comportements de ces dernières. Comportements d’une logique exemplaire puisqu’ils sont cohérents aux observations faites sur le monde animal actuel. Pour preuve que cela est étonnant, les meilleures scènes du film avec les dinosaures sont celles présentant, ce que j’appellerai, leurs comportements naturels d’exposition. C’est-à-dire que l’on surkiffe notre moment, mouchoir serré contre la joue, dès lors qu'on apperçoit les dinosaures entrer sur scène, ces derniers se déambulant dans une mise en scène soignée, ce devant le regard ébahi des personnages ; le brahiosaure, l’entrée du T-rex accompagné de son cris magistral ou encore le Tricératops malade et son gros ventre de patapouf avec lequel fait joue-joue Dr. Grant.
The Lost World poursuit plus vulgairement et maladroitement cette volée toujours en exposant les dinosaures comme les plus fabuleuses créatures du cinéma, avec notamment la horde de Stégosaures, la scène du Pachycéphalosaurus, du Parasaurolphus et les comportements maternels des Tyrannosaures. Le mal aimé Jurassic Park 3 fait perdre de la qualité aux nouvelles espèces présentes dans ce nouvel opus, mais améliore admirativement le design et le comportement des raptors par exemple (sur leur façon de communiquer du moins).


Entre temps, fans de paléontologie et moi-même se feront de superbes références avec le non moins connu Sur La Terre des Dinosaures en 1999, qui sera, dans le domaine du documentaire, ce que Jurassic Park est dans le monde du cinéma. Un exemple bluffant de réalisme.


2015-2018 : CGI - Chimiothérapie Générée par Informatique


Des Jurassic World, c’est la catastrophe ; surutilisation des effets numériques, les mouvements naturels répondant aux configurations physiques et morphologiques des dinosaures (effets de lourdeurs, manière d’appréhender les obstacles) se voient troqués par des mouvements fluides, rapides exagérés et loufoques. Les dinosaures n’agissent dorénavant plus comme des dinosaures mais comme des bêtes de foires, des avatars de jeux-vidéos libérés lors d’une partie Pokémon, des monstres Kaiju. Ce n’est pas le bienvenu dans une telle licence ! Le combat honteux des prédateurs du premier Jurassic World n'a-t-il pas suffi ? Et allons-y, bouffons un combat aléatoire, poussif et abracadabrant entre Carnotaure, T-rex et Sinoceratops. Combat qui se répètera dans une demi-mesure dans le dernier acte du blockbuster, affligeant ! Puis parlons-en de ce nouveau cératopsien au design tout droit sorti d’un de ces documentaires bas de gamme de France 5. Baryonyx et Allosaures eux, semblent venir d’une de ces brèches temporelles du très mal fait Nick Cutter et les portes du temps. On substitue des couleurs de peau, belles visuellement, sobres et pertinentes avec l’environnement par des couleurs vives et des motifs très mal dessinés… Blue et l’indoraptor en deviennent des organismes tuning, montés sports pour l’esthétisme, prêts à partir à l’assaut de la grande course numérique. A qui aura les effets visuels les plus explosifs ? C’est has been les gars, et de toute façon c’est raté. Ça ne fait pas naturel, bien qu’il soit probable que de nombreux théropodes aient pu se voir vêtir de couleurs vives pour les parades notamment. Mais là c’est d’une laideur… Les dinosaures ont le rôle de parader devant le spectateur, dans le monde du cinéma, le designing est substantiel et inhérente à la qualité de l'oeuvre. Ici c’est un échec cuisant, une honte d’un point de vue artistique et un beau doigt d’honneur au travail acharné fournis par les artistes designers de 1992. Ces derniers se sont malheureusement vu remplacer par ces techniciens néophytes de la saga, foutus exécutants pressés de rentrer boire leur thé framboise-fruit de la passion dans les coulisses des studios.


Les dinosaures sont trop nombreux à l’écran et peu présents car moins intéressants parait-il, que les hybrides vedettes de cette nouvelle saga. Ils sont pour la plupart ratés, dans leur représentation et leur mise en scènes sauf exceptions Bayonniennes. J’ai par exemple adoré le Procompsognathus figé. Comme quoi des fois, la simplicité. On apprécie, on sourit, on peut même frémir devant les jeux d’ombres proposés par le réalisateur espagnol, mais on finit par vomir littéralement devant cette bouillabaisse chimérique éclaboussante.


La stratégie spéculative des studios ; la parodie pour légitimer la connerie


Attention je vous vois venir, je n’ai pas les mains liés par la nostalgie et le « c’était mieux avant ». Je ne suis pas le puriste et fan de paléontologie criant à tout va à la moindre incohérence scientifique. Pour dire, sur le papier, l’idée de développer notre imaginaire sur les possibles comportements des raptors, l’idée de parler des dinosaures comme une nouvelle richesse unique et rare du patrimoine naturel mondial et la volonté de suivre le pas de nos chers simiens de La Planète des Singes... Bien, c’est génial en principe ! Ceci étendant merveilleusement l’univers de la saga sous toutes ses coutures…


Il s’avère néanmoins que Jurassic World 2, loin derrière la mise en scène Spielberguienne et le plaisir coupable livré par Joe Johnston, est un nouveau produit marketing qui aura de nouveau berné joliment ces quelques pauvres fans jadis naïfs et agressifs de la communauté Allociné. Toutes les bonnes idées sont franchement mal retranscrites.
La parodie, bien que présente dans une moindre mesure dès The Lost World avec le T-Rex à San Diego, est poussée à l’extrême dans cette nouvelle licence. Eh les gars, si vous vouliez faire cela, prenez une autre licence et éclatez-vous !
En bref : encore une licence avec des potentielles ouvertures fantasmantes qui se voient aujourd’hui complètement détruites. La présence anecdotique de Goldblum, le sourire de l’Indoraptor en cage et les scènes de vente des dinosaures, tu n’en parle pas, me dirais Treverrow ? Non, l'ignorance reste, et restera toujours le plus grand des mépris.


Parallèlement, en 2013, Sur La Terre des Dinosaures suit également cette phase de chimiothérapie CGIsée avec la sortie du film, où là aussi les dinosaures seront personnifiés, avec des attitudes légérement anthropomorphiques. Une insulte totale. La scène grand guignolesque du Stygimoloch dans Jurassic World 2 a failli me faire sortir de la salle...


Sortie de secours


Bon je me suis tout de même bien amusé devant certaines scènes mais c’est comme apprécier la sauce d’un repas s'avérant indigeste. Rooh j’en viens à faire ces comparaisons de mauvais goûts avec la gastronomie. C’est le cas de le dire. Alors plutôt que de pleurer, je vais proposer. Je ne suis pas scénariste certes mais au point où on est…
Primo, laissons la saga reposer en paix et en cendre. Secondo, Que Hollywood change sa politique actuelle, qu’il mette la main sur un auteur et exécuteur de blockbuster d’auteur, comme Verbenski, Reeves, Villeneuve ou Jackson. Livrez-leur des scénaristes monstrueux et demandez les droits à James Gurney, qui se chargera également du design des dinosaures. Lancez une trilogie de renom et générationnelle sous le doux nom de DINOTOPIA !


Cordialement,
Dr. Jones d'Allociné.

Jordan_Michael
2
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le 1 juil. 2018

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