L'histoire du Christ a beau avoir été maintes fois racontée au cinéma, le parti pris du film de Garth Davis de la raconter du point de vue de Mary Magdalene se montre quand à lui plutôt original. Une perspective intéressante d'injecter un point de vue féminin à un récit où les femmes n'ont jamais vraiment trouvées leur place car dépeignant une époque et un contexte qui essayait surtout de les contraindre au silence. Après avoir réalisé Lion, drame empli de pathos, Davis s'attaque donc à cette vision qui se veut plus rafraîchissante du récit biblique en s'entourant d'un casting 5 étoiles avec en son cœur le couple désormais célèbre à l'écran comme dans la vie, les talentueux Rooney Mara et Joaquin Phoenix.


Le casting devient même le principal argument de vente du film, et in fine il est même son plus gros atout. Car dans ce récit qui conte de manière bien peu subtil l'émancipation de la parole et des convictions des femmes jusqu'alors contrainte de rester à leurs places, se trouve surtout l'énième énumération d'une histoire bien trop connue. Faire de Mary Magdalene le centre du scénario est plutôt bien vu et permet de donner une autre facette des derniers jours de Jésus Christ mais le film n'a jamais le courage d'embrasser ses aspects les plus cryptiques. Par peur de froisser, Mary Magdalene reste sur un chemin bien sage et balisé et ne prend finalement jamais de risque avec ce récit biblique et finit par perdre de son intérêt. Malgré une ou deux réflexions évidentes mais bien senties, l'oeuvre n'offre pas grand chose de passionnant à se mettre sous la dent et c'est d'autant plus dommage car il avait vraiment les moyens de bousculer un peu les idées reçues. Reste que le casting y croit et se donne corps et âme. Chiwetel Ejiofor et Tahar Rahim sont deux soutiens de poids au jeune couple et offre des performances complexes et nuancées qui ne sont pas à sous-estimées. Mais c'est surtout Joaquin Phoenix et Rooney Mara qui attirent toute l'attention. Lui reste finalement assez en retrait mais offre à Jésus un visage bien plus mystique et névrosé que la figure bienveillante et douce qu'on lui prête habituellement. Il offre une prestation habitée mais qui sait s'effacer au profit de Rooney Mara qui elle, tient véritablement le film sur ses épaules. Bouleversante du début à la fin, elle se montre incroyable dans ce portrait pleins de justesse et de conviction de cette femme qui aspirait à plus que ce à quoi elle était destinée et qui finit par trouver un chemin où elle peut explorer tout son potentiel. Elle traverse une palette de jeu vaste avec une maîtrise folle et montre qu'elle est bel et bien l'actrice la plus talentueuse de sa génération.


Rooney Mara est bel et bien le rayon de soleil du film et lui donne toute sa force, une oeuvre qui finalement vit plus pour son casting que sur ce qu'elle a à proposer. Car la réalisation a beau gratifier de jolis plans, elle reste dans la tradition du style de Garth Davis. Celui-ci offre de beaux panoramas, aidé par une sublime photographie, mais il appuie beaucoup trop les effets de sa mise en scène et tombe souvent dans le regard misérabiliste et le pathos. Il peine à gérer les émotions et le rythme de son récit tombant dans des longueurs souvent assommantes. Reste que le tout reste beau mais s'avère plus être une coquille qui sonne un peu creuse. Là où l'oeuvre aurait gagnée à avoir un regard plus assuré et radical sur son histoire. Par contre Garth Davis a le mérite de faire confiance à ses acteurs et savoir quand les laisser respirer et on notera aussi la dernière composition de Jóhann Jóhannsson qui apporte de vrais moments de grâce à l'ensemble. Le compositeur étant récemment décédé, c'est le dernier travail de sa formidable carrière et il nous laisse sur un score voluptueux et inspiré qui marque l'esprit.


Mary Magdalene est un film qui manque de mordant. Passant à côté du potentiel houleux de son histoire pour offrir un récit bien sage et attendu car finalement déjà beaucoup trop conté. Sans jamais être honteux ou raté, le film de Garth Davis souffre surtout de son manque de prise de risque et succombe à des longueurs envahissantes. Mais il sait aussi nous gratifier de jolies panoramas et nous envoûter avec sa musique mémorable et son casting habité. Mary Magdalene est donc une oeuvre moyenne qui assoit son propos sans grande subtilité mais celui-ci se doit quand même d'être dit. Le film ne fait donc de mal à personne, sera vite oublié et même si il se montre vite un peu long, il n'est pas foncièrement déplaisant.

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le 5 avr. 2018

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Flaw 70

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