“Complément d’enquête” : France 2 remporte une première bataille contre Bolloré

Vincent Bolloré a été débouté le 5 juin de sa plainte pour diffamation contre France 2 et le journaliste Tristan Waleckx. Deux autres procédures opposant l’homme d’affaires et la chaîne sont en cours. 

Par Richard Sénéjoux

Publié le 05 juin 2018 à 20h40

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h22

«Bravo pour tout votre travail sur Bolloré, on a besoin de gens comme vous ! Moi, j’ai rendu mon décodeur. Pourtant, j’étais abonné à Canal+ depuis 1984 ! » Le journaliste de France 2 Tristan Waleckx, qui sort tout juste de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Nanterre, est un brin surpris. Qui est donc cet homme venu le féliciter pour sa relaxe ? « Merci beaucoup, monsieur », répond-il tout sourire à l’individu, présent en fait au palais de justice pour une autre affaire.

Le journaliste a de quoi afficher une mine réjouie : quelques minutes plus tôt, la présidente du tribunal Florence Lasserre-Jeannin a jugé que son portrait de Vincent Bolloré, diffusé le 7 avril 2016 sur France 2 dans le magazine Complément d’enquête, et qui lui a valu le prix Albert Londres, n’est en rien diffamatoire, suivant les réquisitions du procureur lors du procès, le 5 avril. Mieux, elle condamne l’homme d’affaires breton à lui verser 10 500 euros pour frais de procédure, tout autant qu’à Delphine Ernotte Cunci, également poursuivie en tant que patronne de France Télévisions. Le tribunal en a profité pour saluer « l’indépendance et l’audace de la télévision de service public en matière d’investigation ».

« C’est un vrai soulagement, confie le reporter de France 2. Même si on avait une chance sur mille de perdre, j’avais quand même une petite boule d’angoisse depuis la fin de l’audience du 5 avril, quand l’avocat de Vincent Bolloré nous a accusé de produire des faux témoins et des faux documents… Au final, on est relaxé sur les neuf passages pour lesquels on était cités. Donc, tout est vrai, et on a battu Bolloré 9-0. Une belle victoire, non ?  » plaisante-t-il.

Sur les soixante-douze minutes du film, deux séquences seulement, tournées au Cameroun, faisaient l’objet de poursuites : celle où l’on voit les conditions de travail et d’hébergement déplorables des ouvriers d’une palmeraie gérée par la Socapalm, dont Bolloré est actionnaire, l’autre où il est question des conditions d’attribution du port de Kribi. A peine dix minutes pour lesquelles l’homme d’affaires breton réclamait 450 000 euros de dommages et intérêts.

« C’est une décision extrêmement forte, une vraie victoire pour la liberté d’informer, estime l’avocate de France 2, maître Juliette Félix. Elle salue le sérieux et la qualité d’un travail journalistique sur les intérêts d’un grand industriel français en Afrique. Les journalistes d’investigation ont plus que jamais raison de se battre contre les procédures-bâillons ! » Signe qu’il n’attendait pas forcément une issue très favorable, l’avocat habituel de Vincent Bolloré, Me Olivier Baratelli, n’était pas présent à l’audience.

Et maintenant ? « On va faire la fiesta en Autolib’* ! » a lancé, hilare, un membre de la petite délégation d’Envoyé Spécial et de Complément d’enquête venue soutenir leur collègue. Encore un peu de patience. Outre que la partie civile a dix jours pour faire appel, deux autres procédures opposant Vincent Bolloré à France 2 sont toujours en cours : l’une au tribunal de commerce de Paris, dont la décision est attendue le 12 juin, l’autre au Cameroun, où, rappelons-le, la diffamation est passible de prison. Bref, le match n’est pas fini, même si le plus plus dur est fait.

* Service dont le groupe Bolloré assure l’exploitation.

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