Clap de fin pour l'émission “Verdict” avec son créateur Jean-Charles Marchand

“Verdict”, c'est fini. France 5 diffuse ce soir, samedi 27 février, le dernier numéro de cette remarquable case documentaire consacrée au monde judiciaire. Interview en forme d'épitaphe de son créateur, Jean-Charles Marchand.

Par Propos recueillis par Emmanuelle Skyvington

Publié le 27 février 2016 à 16h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h29

Ce soir, samedi 27 février, France 5 diffuse à un horaire indécent (0.10) le dernier inédit de Verdict. L’occasion de dresser un bilan de cette remarquable collection documentaire avec Jean-Charles Marchand, journaliste et chroniqueur judiciaire depuis 1974, qui, depuis huit saisons, plonge le spectateur au cœur des entrailles de la justice, avec précision, sobriété et hors de tout sensationnalisme.

Ce soir, France 5 diffuse le dernier inédit de la huitième et dernière saison de Verdict. Pourquoi cette émission s’arrête-t-elle ?

J’aurais bien encore continué un petit peu, mais France 5 nous a annoncé l’arrêt de Verdict subitement en juillet 2014, sans me fournir une seule raison. Je ne m’attendais pas à cette décision, puisque la poursuite de la collection avait été longuement négociée quelques mois auparavant. Le producteur n’a pas eu plus d’explication que moi. En dix ans, nous avons réalisé cinquante-deux films, des films exigeants intellectuellement, je pense. C’était bien rodé, nos équipes avaient acquis un grand savoir-faire en matière de procédure judiciaire et de cour d’assises.

Quelle était la particularité de votre ligne éditoriale ?

Eviter au maximum le spectaculaire, ne pas faire de reconstitution,  et ne pas s’attacher – ce que font les magazines de faits divers – à la traque policière ou gendarmesque du monstre. Pour nous, il n’y a pas de monstre. Ce qui nous importait, une fois que les faits étaient établis, c’était d’essayer de comprendre pourquoi untel était passé à l’acte, avec une approche psychologique, psychanalytique et sociologique et d’utiliser les outils que nous fournissent les sciences humaines pour analyser une situation. On a tenu dix ans sur cette ligne-là. Mais ça n’a pas toujours été simple : on nous a reproché la lenteur du filmage, l’utilisation de mots compliqués dans le commentaire ou des interviews trop longues. Pourtant, si vous interrogez un expert psychiatre, il faut au moins le laisser parler 3 minutes pour que son raisonnement soit compréhensible. Sinon, ce n’est pas la peine et on tombe dans le spectaculaire.

“Pour nous, la vérité, c’est la vérité judiciaire.”

Finalement, c’est toute la dimension psychanalytique qui vous intéresse dans ces affaires…

Oui. Ma trajectoire est un peu atypique : je suis journaliste et ancien universitaire. Dans les années 70, je me suis beaucoup intéressé à ces questions. J’ai aussi suivi pendant longtemps les affaires criminelles au sens policier du terme. Au bout d’un moment, j’ai fini par me mettre de l’autre côté et m’interroger : « pourquoi passe-t-on à l’acte? »  Dans les affaires passionnelles au sens large, qui sont les plus fréquentes, il y a des choses à comprendre, des éléments inconscients, des déterminismes. Je ne crois pas au libre arbitre, quelque part, le criminel n’est pas l’agent de son acte. Il joue un rôle que lui dicte son inconscient, toutes les expériences qu’il a accumulées dans sa vie l’amènent à réagir d'une certaine façon, selon ce qu’il a connu ou subi auparavant.

Attention, dans nos émissions, il n’y a pas de mise en cause de ce que fait la justice. Pour nous, la vérité, c’est la vérité judiciaire. Comme l’a écrit Dürckheim, une société ne peut fonctionner qu’en sanctionnant le crime. Cette sanction, c’est le verdict, un symbole que donne la société pour dire « il ne faut pas commettre tel acte ». Mais cela n’empêche pas d’essayer de comprendre un prévenu. Aujourd’hui, les experts psychiatres sont de plus en plus mal reçus par les cours d’assise qui voient, dans leurs expertises, une recherche d’excuse. Ce n’est pas ça ! Comment peut-on juger sans comprendre ce qu’un individu est et a fait ? On ne peut pas condamner automatiquement avec un tarif comme dans un menu de restaurant : un meurtre, ce sera 20 ans et avec préméditation, ce sera 30 ans. La justice française dit d’ailleurs qu’elle juge, non pas un acte, mais la personne qui a commis un acte. Ce n’est pas la même chose et c’est cela qui est passionnant.

Certains numéros de Verdict ont été multidiffusés. N’est-ce pas préjudiciable aux protagonistes et à leur « droit à l’oubli » ?

Cette notion n’existe pas juridiquement. Un jour, il y aura peut-être une législation sur le droit à l’oubli, mais je ne sais pas comment elle pourra être construire. Pour le moment en tout cas, cela ne peut pas vous être opposé. Dans Verdict, les affaires traitées sont contemporaines, la question de l’oubli ne peut donc pas se poser tout de suite. En revanche, nous nous interdisons de rediffuser certaines émissions, lorsque la peine a été faible, et que les protagonistes ont changé de vie, ou déménagé dans une autre région. Il faut que la vie reprenne.

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